Défense de la langue française   
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Orthoépie de -an
Le jour de l’an n’est pas le jour de l’âne

On entend de plus en plus « le Michigann », « la mer d’Omann », « l’île de Mann ». Eh bien non ! Si on s’exprime en français, c’est [ã], le Michigan, Oman, l’île de Man... Les noms en -man, de l’anglais « homme », gentleman, barman, clergyman, policeman..., se prononcent ainsi parce que ce n’est pas du français. La manie de l’anglicisation ne les a pas intégrés, comme l’a été le French cancan.
Bochiman, ce nom d’une population d’Afrique australe (ceux du film Les dieux sont tombés sur la tête), vient du néerlandais bosjesman (sudafricain boesman), et non de l’anglais bushman, « broussard ». L’ethnonyme n’est pas péjoratif. Prononcé et écrit à la française, c’est un mot français comme Alaman. D’autres comme Turcoman, Couman et Birman, et les îles Andaman, ne viennent pas plus de l’anglais que le premier (ou deuxième) mot d’un bébé français, et se prononcent comme maman.
Par effet de la mode de soumission à l’anglo-américain censé être valorisant, le meurtrier Jonathan qui a brûlé le corps de sa femme qu’il n’arrivait pas à satisfaire, les médias, partageant son complexe, se sont empressés de prononcer « Djonathann » et d’ajouter comme lui un -n (de façon illégale), pour éviter certainement de rimer avec chenapan, charlatan.
En français la prononciation normale de la finale -an est nasale.
Même dans sa version d’origine espagnole Jean se dit Dom Juan, comme Christian, Gaétan, Jourdan, Nathan... et comme les noms communs : clan, cran, élan, écran, cadran, palan, cabestan, carcan, du bon nanan (palindrome) en verlan, tympan, plan, océan, estran, bilan, brelan, médian, cyan... ; sans oublier les animaux : faisan, ortolan, cormoran, daman, pékan... et même quand ils sont d’origine exotique : safran, origan, banian, durian, ramboutan, myrobolan, gamelan, toboggan, mazagran, dolman, uhlan... Il en va de même avec nombre de mots en relation avec le monde musulman, autrefois mahométan, à commencer par Coran, ramadan, taliban, trucheman, et le firman, cette loi du sultan ottoman, et les personnages historiques Soliman et Tamerlan.
En composition on ne prononce pas « caravan(e)sérail » mais caravansérail.
Ce n’est pas différent avec les noms géographiques en français, Kazan, le Khorassan, Kairouan, le Kordofan, l’Hindoustan (un ancien nom de l’Inde) et les autres -stan, Turkestan, Pakistan, Kurdistan... et les Bantoustans, puis Ceylan, le Vatican..., qui ne se prononcent pas autrement que Perpignan, Évian, Sedan, Morbihan... ainsi que les dérivés rhénan, mosan, mosellan, bressan, et anglican, gallican, et plus particulièrement dans le domaine roman, occitan, sévillan, toscan, padouan, pisan, trévisan... et pour les personnages, le dieu Pan et sa flûte, les Titans et même Satan... sans oublier Trajan, Magellan, Vauban, Renan, le Capitan, Isadora Duncan, Fanfan la tulipe, Rahan, Conan le barbare, et tous les noms d’origine arménienne, Manoukian, Devedjian, etc.
Et puisqu’on dit le Grand Khan et Astrakhan, il va de soi qu’on dit l’Aga Khan et Gengis Khan comme on le faisait d’antan pour le dernier des Mohicans. Et bien entendu, on fait rimer le golfe et le sultanat d’Oman, les îles Andaman et les îles Caïmans avec le lac Léman ; Assouanavec Chouan ; Erévan avec le Morvan ; le Yukatan avec gitan, et Michigan avec slogan.
On entend désigner l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, l’OTAN« l’aut’âne ». Hi-han hi-han ! En anglais on l’écrit NATO prononcé à peu près « naît tôt ». Le sigle OTANest bien français et se prononce comme « au temps ».
Et vlan ! Autant en emporte le vent... d’autan.
Ange Bizet

C’est quoi ?

« C’est quoi pour vous la République ? » – « Ça veut dire quoi quand le Président dit : faisons bloc ? » Naguère, quand le français correct était encore parlé, on eût dit : « Qu’est-ce pour vous que la République ? » – « Que veut dire le Président par : faisons bloc ? ». En entendant ce matin ces formules dans le discours de la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse sous l’autorité du ministre de l’Éducation, j’ai compris que le mal était dans la racine même de l’instruction publique. Inutile alors de s’insurger à l’encontre de ces formules abâtardies telles que : « Vous savez quoi ? » dont le but est d’attirer l’attention comme l’appel copié de l’anglais dans les aéroports : « Votre attention, s’il vous plaît. » « Vous savez quoi ? Je vais, je vais vous dire le fond de ma pensée. » – « Vous savez quoi, je vous salue. » (Formule polie.) Ce « quoi » a un bel avenir dans notre langue en déliquescence, bien qu’il ne faille jamais désespérer, quoi qu’on dise1.
Maurice Véret

1. Trissotin eût dit : « quoi qu’on die » !
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