Défense de la langue française
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DLF, n° 236
AUTOPSIE DU MAMMOUTH. L’ÉDUCATION NATIONALE RESPIRE-T-ELLE ENCORE ? de Claire Mazeron, préface de Natacha Polony
Jean-Claude Gawsewitch, « Coup de gueule », 2010, 288 p., 19,90 €
Une jeune agrégée de géographie analyse avec une cruelle pertinence les
dysfonctionnements de cette Bête monstrueuse et imprévisible que d’aucuns
songent à « dégraisser », comme si là se trouvait la solution miracle. L’auteur
renvoie dos à dos les responsables de tous bords : de l’Administration aux
syndicats, des apparatchiks inamovibles aux profs désemparés, aux parents
envahissants dans les écoles et absents près de leurs enfants, aux gestionnaires ubuesques des
moyens financiers : « Le Mammouth en balade », « Les interdits du Mammouth », « Parents vs
Mammouth », « Qui veut noyer son Mammouth... »... À la fin de cette révolte lucide, elle
présente une trentaine de propositions raisonnables et cohérentes – qui devraient donner des
idées à nos gouvernants et rendre quelque espoir aux « soutiers du Système ». Nicole Vallée
PASSION DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Gérard de Cortanze
Desclée de Brouwer, 2010, 240 p., 19 €
Dans cette superbe anthologie, Gérard de Cortanze a choisi trente-trois textes
significatifs sur notre langue, classés en cinq catégories, allant de l’histoire à la
Francophonie, et de Joachim Du Bellay à François Cheng. La lecture des
premiers textes fondateurs s’avère un peu ardue, mais féconde. Ce voyage dans
l’espace et dans le temps remet en perspective la thématique du français et de ses
tribulations diverses. Dans sa Défense de la langue française, Albert Dauzat voyait
un danger dans... l’espéranto. D’autres auteurs craignaient l’emprise excessive de la télévision.
Pas de sms encore ! Ce livre est aussi un combat d’idées. Gérard de Cortanze, outre sa belle
introduction, fournit une description sommaire de chaque écrivain. Il nous présente différentes
sensibilités ; de la tendance plutôt défensive et révoltée face au franglais et aux barbarismes (Jean
Dutourd, Étiemble, Dominique Noguez...), aux réformistes modérés (Jacques Laurent) ou plus
radicaux (Queneau). Hélène Carrère d’Encausse croit au multilinguisme, tout comme Patrick
Chamoiseau. Des étrangers amoureux de notre cause figurent dans ce florilège, de Cioran à
l’irremplaçable Senghor, entre autres. Une belle bibliographie sélective clôt l’ouvrage. Très
utile, mais il y manque L’Hexagonal tel qu’on le parle, de Robert Beauvais, Mauvaise langue, de
Cécile Ladjali, Nous, on n’aime pas lire, de Danièle Sallenave, et ce cri d’amour ultime et
visionnaire par endroits : Mignonne, allons voir si la rose..., de François Cavanna. Peut-être pour
un deuxième volume ? Christian Nauwelaers
LES EXPRESSIONS VERBALES FIGÉES DE LA FRANCOPHONIE. BELGIQUE, FRANCE, QUÉBEC ET
SUISSE, de Jean-René Klein, Jacques Labelle, Christian Leclère, Annie Meunier, Corinne
Rossari, coordinatrice Béatrice Lamiroy
Ophrys, « L’essentiel français », 2010, 166 p., 16 €
De savants linguistes analysent diverses expressions communes aux quatre principaux
pays de la Francophonie, ou à trois, deux, voire une seule, spécifique à
l’un d’eux. Elles diffèrent parfois d’un ou deux mots : J’y vaisà (ou de) reculons – Avoir les chevilles (ou le cou) qui enflent. Parfois, une même phrase a des sens très différents :
Avoir de l’allure (du chic – de l’ordre dans son ménage – être raisonnable). Très souvent, des
phrases différentes expriment la même idée : C’est chou vert et vert chou et C’est bonnet blanc et
blanc bonnet. Arriver comme les carabiniers et Arriver comme les figues après Pâques. Attendre mer et
monde et Attendre monts et merveilles. Le Français ignore ce que veut dire : Tomber avec son derrière
dans le beurre. Et, en dehors de l’Hexagone, La girafe peut aller se faire peigner, nul n’y trouvera à
redire. Copieuse bibliographie, glossaire, index et liste de 152 expressions. Nicole Vallée
LE RETOUR DU GÉNÉRAL, de Benoît Duteurtre
Fayard, 2010, 224 p., 17,90 €
Grâce à ses souvenirs des années 1960 et 1970, Benoît Duteurtre a allumé le
feu... avec cet étonnant brûlot. Que se passerait-il si de Gaulle revenait un soir,
sur les écrans de télévision, pour lancer le signal d’une « Nouvelle Révolution
française »... contre les excès de l’Europe et de la modernité en général, y compris
sur le plan linguistique ? Il reprend le pouvoir pour un court moment, et nous
assistons à un retour de la France d’antan ! Avec un appel à utiliser la langue du
pays, en réaction contre une certaine anglicisation forcenée. Et dans la France à nouveau
gaullienne, lors d’une réception, il félicite des informaticiens qui ont mis au point un système
d’exploitation exclusivement français, dans sa conception comme dans son langage. Les
interviews – pardon : entrevues ! – télévisées du Général le voient manier une syntaxe
impeccable. Quand le rêve s’achève, l’écriture phonétique triomphe ! Une fable délectable et un
cri de révolte agrémenté d’humour. Bravo à Benoît Duteurtre ! Christian Nauwelaers
DICTIONNAIRE DU LOOK, de Géraldine de Margerie, photos d’Olivier Marty
Robert Laffont, 2009, 284 p., 22 €
« Une nouvelle science du jeune », tel est le sous-titre de ce savoureux ouvrage, qui
entend sortir les adultes de leur désarroi et les ados de leur ghetto, en offrant une
plongée ethnographique au pays du jeune et en jetant les premières bases d’une
nouvelle discipline, la « popsociologie ». Vous allez tout savoir sur les
comportements et le langage de l’arty..., du bimbo..., de la gothic lolita..., de Marie-
Chantal..., du néodandy..., du teuffeur... Vous pourrez vous adonner à quelques
exercices de style autour d’un passage de Balzac. Le tout est illustré de photos plus inattendues les
unes que les autres. Christian Nauwelaers
LA SAGESSE DU PROFESSEUR DE FRANÇAIS, de Cécile Revéret
L’OEil neuf, 2009, 104 p., 13,50 €
Cet opuscule est un pur ravissement. Il est l’oeuvre d’un professeur de lettres classiques,
qui l’écrivit durant les derniers mois (difficiles) de son activité au collège Jean-Jacques-
Rousseau du Pré-Saint-Gervais, établissement devenu de plus en plus « sensible », à
mesure que s’approchait l’heure de la retraite de la narratrice. Cécile Revéret nous
conte ses démêlés avec les autorités académiques, les inspecteurs et inspectrices, et
les difficultés de ses collègues professeurs de langues – qui parfois implorent son aide – pour
enseigner les bases élémentaires de la grammaire française à des élèves-cobayes d’« expériences »
pédagogiques qui « font la nique » au simple bon sens. On en arrive à un point où l’usage d’une
grammaire est à proscrire, où les jeux de devinettes et le culte absolu de l’autonomie de l’élève,
qui n’en demande pas tant, sont érigés en dogme absolu : la « compétence » plutôt que la transmission, en (très) gros. Et on obtient des étudiants qui ont des difficultés de plus en plus grandes
à lire des textes un peu exigeants, à rédiger, à comprendre les différents composants d’une phrase.
En opposition souriante mais déterminée à ces errements, Cécile Revéret nous enchante souvent,
avec son témoignage de jeunes gens et jeunes filles pas du tout « privilégié(e)s » qui, grâce à la
bonne maîtresse qu’ils ont eu la chance d’avoir, découvrent les joies de la littérature, de la
poésie classique, de la beauté de notre langue, qui est un lieu non « de pouvoir » mais de
construction de soi, de possibilité d’échanges, et de découverte d’une forme de liberté intime,
essentielle pour affronter notre monde et sa vulgarité, voire sa barbarie. Un livre parfois désabusé,
mais surtout généreux, intelligent, et donc humaniste. Christian Nauwelaers
MAXIMES ET AUTRES PENSÉES REMARQUABLES DES MORALISTES FRANÇAIS, de François Dufay, préface de Christian Makarian
CNRS Éditions, 2009, 372 p., 10 €
Il s’agit d’un tout premier ouvrage en même temps que de l’ultime legs d’un agrégé
de lettres et journaliste, brutalement disparu l’an dernier, à l’âge de 46 ans. Ces
maximes, des bien connues aux totalement ignorées, sont dues, évidemment, à
La Rochefoucauld, Pascal, Rivarol, Baudelaire, Valéry..., mais aussi à Christine de
Suède, Helvétius, le prince de Ligne, Cioran... Qui a dit, par exemple : « En amour, il
n’y a que les commencements qui soient charmants. »1 – « La raison nous trompe plus souvent que la nature. »2
– « La mort est un bon pasteur, car elle ne perd jamais rien de son troupeau. »3 – « Être obligé de ménager les
gens, quelle école supérieure d’intelligence! »4 ? Chaque auteur bénéficie d’une présentation pleine
d’empathie. Bibliographie et index thématique. Nicole Vallée
Réponses : 1. Le prince de Ligne. 2. Vauvenargues. 3. A. Rabbe. 4. Reverdy.
LES MOTS DE L’IMMIGRATION, de Sylvie Aprile et Stéphanie Dufoix
Belin, « Le français retrouvé », 2009, 402 p., 8 €
« L’immigré reçoit des épithètes comme des bastos. Derrière, il y a toujours du non-dit. » Cette
citation d’Alain Schifrer demeure-t-elle valable ? Oui, hélas. Deux universitaires
veulent aujourd’hui nous faire connaître la signification des mots et expressions
concernant les immigrés, et en même temps leurs épreuves, leurs revanches parfois,
journalières. Elles y parviennent dans un style alerte, en remontant aux sources, avec
de nombreuses citations d’auteurs français et étrangers. ADN... Affaire du voile... Boat people...
Convention de Genève... Minorités ethniques... Naturalisation... Titres de séjour... UNRRA... ZAPI...
Zoulou... Index et bibliographie complètent un ouvrage qui vient à son heure.
Nicole Vallée
LES ANAGRAMMES LITTÉRAIRES, d’Yves Lamy
Belin, 2008, 302 p., 15 €
Cet ouvrage à la couverture cartonnée, et qui se laisse glisser dans une poche, est
l’occasion de faire une merveilleuse promenade dans le jardin d’agrément de
notre littérature, des Grands Rhétoriqueurs (XVe siècle) à la Littérature potentielle
(Oulipo) de notre temps, et de vagabonder à travers tous les genres cultivés par la
plume. Une lettre-préface de Jean Wirtz, professeur à l’université de Berne, dont le
nom même se soustrait « à toute manipulation combinatoire », conduit
immédiatement au coeur des secrets de l’anagramme, qui dissimulent l’identité d’un auteur qui
s’expose. Les pseudonymes – il n’est pas interdit d’en avoir plusieurs – sont très souvent des anagrammes. Georges Simenon, à 28 ans, en avait utilisé vingt-deux. Cet ouvrage est aussi un recueil
d’anecdotes. Il révèle bien des mystères : pourquoi, par exemple, la société littéraire et
philosophique d’Arras porte le nom de ROSATI... Chercheurs et curieux, c’est un bonheur de
picorer dans ces pages et de passer parfois de l’anagramme à l’épigramme... Jacques Dhaussy
PETITE ANTHOLOGIE DES MOTS RARES ET CHARMANTS, de Daniel Lacotte
Albin Michel, 2007, 300 p., 12 €
Aucun doute : cette « Petite Anthologie... » par son esprit, son humour, sa verve
et sa gentille polissonnerie s’ajoute à tous les « plaisirs de lire », même si elle a
recours à plusieurs classements. Sous des mots assez généraux figurant dans
l’ordre alphabétique se cachent les mots peu courants, oubliés, revigorés,
ressuscités, remémorés et les expressions dans lesquelles ils se trouvent
incorporés. Afin de les découvrir, on quittera le sommaire qui ouvre le volume
et semble banal pour les index des mots et des expressions qui ferment l’ouvrage. Enfin, dans
une abondante bibliographie, l’auteur cite des ouvrages très anciens comme le Dictionnaire des
Halles (1696), d’Antoine Furetière, ou les Curiositez françoises (1649), d’Antoine Oudin. Il
recourt aussi à des ouvrages plus récents comme ceux de Jacques Cellard ou d’Alain Rey. Nous
avons même les références de trois dictionnaires d’argot.
Examinons l’article « Colère » : il est un des plus riches avec acariâtre, accagner, terme régional
du centre de la France qui semble dériver du mot cagne, « chien », acrimonie, atrabilaire, chanter
pouilles (XVIIe s.), endêver (XIIe s.), grincheux (euse), horion, houspiller, irascible, jérémiade, maugréer,
morigéner, quinteux (euse), revêche, sabouler, avoir maille à partir, et gracieux comme un fagot d’épines
(XVIIe s.). Les commentaires de ces mots et expressions contiennent encore de quoi enrichir
notre vocabulaire. Le « Mensonge » connaît aussi bien des variations, du bobard aux craques en
passant par la galéjade, le godan et la carabistouille... Que les bachelettes gambillent, qu’elles se
méfient des freluquets, mais qu’elles n’hésitent pas à ouvrir ce livre, elles y apprendront
beaucoup ! Jacques Dhaussy
Signalons aussi :
- LA GRAMMAIRE EST UN JEU. 150 QUESTIONS POUR ÊTRE EN RÈGLE AVEC LA GRAMMAIRE,
d’Êve-Marie Halba (Librio,
2010, 112 p., 3 €).
- VOYAGE EN FRANCOPHONIE. UNE LANGUE AUTOUR DU MONDE, d’Olivier Bleys (Autrement, 2010, 64 p., 12 €).
- LES MOTS DE L’ACTUALITÉ, d’Yvan Amar (Belin, « Le francais retrouvé » , 2010, 192 p., 6 €).
- L’HIPPIPHONIE, L’ARGOT DU TURF, de Lefanstouf (Horay, « Cabinet de curiosités », 2010, 204 p., 17 €).
- BOUCHE BÉE, TOUT OUÏE... OU COMMENT TOMBER AMOUREUX DES LANGUES, d’Alex Taylor (Jean-Claude Lattès, 2010, 266 p., 18 €).
- AUTOUR DU MOT : PRATIQUES ET COMPÉTENCES, sous la direction de Claude Gruaz et Christine Jacquet-Pfau
(Lambert-Lucas, 2010, 240 p., 24 €).
- LE FRANÇAIS LANGUE D’ORIENT ?, de Giovanni Dotoli (Hermann, « Savoir : Lettres » , 2010, 130 p., 25 €).
- TRADUIRE EN FRANÇAIS, DU MOYEN ÂGE AU XXIE SIÈCLE, de Giovanni Dotoli, préface d’Alain Rey (Hermann,
« Savoir : Lettres », 2010, 522 p., 35 €).
- DES MOTS... À L’OEUVRE, de Jean-Paul Colin, préface d’Alain Rey (Lambert-Lucas, 2009, 290 p., 29 €).
- CAHIER DE DICTÉES POUR ADULTES QUI PENSENT QUE LEUR ORTHOGRAPHE EST PARFAITE ET QUI N’ONT PAS PEUR DES SURPRISES !, de Valentine Masson (Edigo, 2009, 66 p., 4,95 €).
Nos adhérents publient
- Aux éditions Honoré Champion,
une nouvelle collection
à moins de 10 €, « Champion
les mots », offre un voyage
inédit à travers les dictionnaires,
du XVIe siècle à nos
jours. Les deux premiers
titres sont de Jean Pruvost :
Le Loup, préfacé par Henriette
Walter (144 p.,) et Le
Vin, préfacé par Bernard
Cerquiglini (126 p.).
- Publication d’une nouvelle
pièce de Michel Mourlet, C’est
Byzance ! (Les Cygnes,
« Théâtrales »).
- Pour aider ses étudiants à
apprendre vocabulaire, grammaire
et quelques subtilités
de la langue française, Elena
Vladimirova, doyenne des
membres de l’Association
des enseignants de français
de Russie (AEFR), a publié
De la grammaire amusante
(Moscou, 60 p.).
- François Marie Algoud vient de
publier Sainte Jeanne d’Arc
(tirage numéroté, 80 p., 12 €
+ 5 € de port, éditions de
Chiré, BP 1, 86190 Chiré-en-
Montreuil, courriel :
sadpf.chire@gmail.com).
- Alfred Herman publie un
recueil de poèmes très
réalistes, au lyrisme poignant
et profond : Ma Barque de
rêve (Éditions du Cèdre,
Suisse, 2010, 82 p.)
- La délégation de Bruxelles-
Europe signale : Femmes
obstinées, droits conquis,
de Marie-Andrée Chausteur
(Riveneuve, « Arpents »,
130 p., 18 €).
- De Philippe et Renée Lalanne-
Berdouticq un très bel article,
« Pour un réveil de la langue
française », paru dans la
revue Permanences (marsavril
2010).
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