Jadis, quand j’étais un homme, je me plaignais constamment parce que, trouvais-je, la vie rabâchait, reproduisait dix fois, cent fois les mêmes événements, les mêmes situations. À moi qui me piquais de tout comprendre à demi-mot, cela paraissait bien fastidieux. De là mon goût pour les romans (les bons, bien sûr, ceux de Balzac, Dickens, Dostoïevski) qui courent tout droit à l’essentiel, sans un mot de trop, sans une répétition. Bref, je trouve que la vie est bien plus rapide et saisissante quand elle est racontée par un homme de génie que quand elle est fabriquée, vaille que vaille, au jour le jour, par l’humanité. Toutefois ces belles aspirations ne m’empêchaient pas de radoter, moi aussi, peut-être un peu moins que les autres, mais encore pas mal, d’ajouter mes propres radotages au grand radotage du monde.
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Je hais les clichés : mon expérience terrestre m’a enseigné que, sous leur apparence anodine ou convenue, c’est autant de mensonges que l’homme se fait à soi-même et à autrui. La réalité n’est jamais semblable aux banalités du langage. Elle est même le contraire.