Défense de la langue française   
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Éditorial N° 216

par : Jean DUTOURD de 1 'Académie française

LE PRIX RICHELIEU À MICHEL THEYS


Dans les salons de l’Institut de France, le 25 mars, était organisée une réception en l’honneur du lauréat du prix Richelieu 2005. La présence chaleureuse de nombreuses personnalités, les magnifiques ouvrages offerts par la directrice générale des éditions Le Robert, Mme Marianne Durand, n’ont pu faire oublier l’absence de notre président. L’allocution qu’il avait préparée fut lue par la secrétaire générale de DLF.

Lorsque je vois un homme qui n’est pas de chez nous manifester son amour pour la langue française, admirer ses clartés, ses mystères et sa musique, la préférer à sa langue maternelle, j’ai envie de lui dire : « Bienvenue à la Légion étrangère ! » Mais peut-on saluer de la sorte un frère wallon, un Belge ? Il n’y a pas de Légion étrangère pour cet homme-là. Le français est sa langue naturelle et maternelle, en dépit de « quelques belgicismes » qui, selon moi, ne font que relever la saveur de ses propos.

Donner le prix Richelieu à Michel Theys, c’est comme le donner à un écrivain ou à un journaliste français. Si un jour, ce qu’à Dieu ne plaise, la langue officielle de l’Europe devient ce qu’elle menace d’être, c’est-à-dire une espèce de sabir anglo-saxon composé de quelques centaines de mots, c’est évidemment dans nos rangs – et peut-être en première ligne – que Michel Theys combattra. La faiblesse du français, c’est qu’il est une langue aristocratique, façonnée par sept ou huit siècles de monarchie ; tandis que l’américain est une langue démocratique faite surtout pour exprimer des préoccupations matérielles ou scientifiques, ce qui est la même chose. Il s’ensuit qu’utiliser le français, c’est d’une certaine façon refuser le matérialisme grandissant du monde, ainsi que sa laideur, son uniformité, son vieillissement et les camelotes consécutives.

Cher Michel Theys, c’est grâce à des hommes comme vous que plus de gens qu’on imagine gardent quelque espoir dans un monde qui ne sera pas étouffant d’ennui. Le cardinal de Richelieu, sous l’invocation de qui nous avons placé notre prix, aurait, je pense, approuvé notre choix. Peut-être eût-il fait de vous un Français du roi Louis XIII et vous eût octroyé un siège à l’Académie, entre Conrart et Vaugelas.

Jean DUTOURD
de 1 'Académie française
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