Défense de la langue française   
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Éditorial N° 230


La langue est un patrimoine
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Nous reproduisons la préface de notre président pour Éclat et Fragilité de la langue française
(France Univers, 2008, 228 p., 22 €).
Cet ouvrage, publié à l’occasion du cinquantenaire de DLF, regroupe plus de soixante-dix noms célèbres dans tous les domaines. On peut le commander chez son libraire ou au secrétariat de DLF, 222, avenue de Versailles, 75016 Paris (frais de port en sus : 5 €)
    Il est singulier que personne n’ait jusqu’à présent donné aux attaques contre la langue française entreprises depuis une trentaine d’années le nom qui leur convient. Il existe pourtant, et il est dommage qu’on ne s’en soit point avisé, car on ne combat efficacement un ennemi qu’en sachant d’abord comment il s’appelle. Le nom de l’ennemi, c’est son visage.

    Inonder la langue française d’américanismes, de jargon commercial ou pédant, de barbarismes publicitaires, de contresens de traducteurs ignorants est exactement l’équivalent de laisser tomber en ruine les beautés architecturales des villes françaises, de les raser, de construire à leur place d’innommables gratte-ciel en verre. C’est l’équivalent de lacérer à coups de couteau les peintures dans les musées, de jeter les livres au feu, de décapiter les statues des saints sur les façades des cathédrales. Cela aussi a un nom : vandalisme.

    La langue française, telle que six siècles de littérature l’ont faite, est notre plus précieux monument. J’entends d’ici les cris que pousserait la nation si l’on rasait Versailles, Chambord et Notre-Dame de Paris afin de bétonner à leur place des immeubles de cent vingt étages. Montaigne, Molière, La Fontaine, Diderot, Chateaubriand, Balzac, Hugo, Baudelaire, sont les Versailles et les Chambord de notre esprit. Les coups de pioche des démolisseurs vandales ont commencé à les ébranler. Si nous ne sommes pas là pour empêcher le massacre, et aussi empêcher le génocide des Diderot et des Baudelaire de l’avenir, notre littérature, c’est-à-dire notre âme, sera aussi pauvre et aussi laide que les paysages français, inexorablement, sont en train de le devenir.

    Il faut prendre conscience que le vandalisme de l’esprit est aussi horrible que le vandalisme des yeux. On ne voit pas Molière avec les yeux, comme on voit la cour du Louvre ou la butte de la Défense. Mais il est l’objet des mêmes attentats. Assassiner Molière, c’est assassiner la France. C’est nous assassiner, nous, les Français, faire de nous une peuplade comme une autre. Mieux vaut à tout point de vue être américain.

    Notre fondateur, Paul Camus, avait vu avec les yeux de l’esprit les prémisses du meurtre. Lorsqu’il a créé l’association Défense de la langue française, il a décelé les traces de la maladie alors que personne ne les voyait encore. Aujourd’hui, c’est un grand nombre d’écrivains célèbres, ou peu connus encore, qui dans ce livre ont apporté, par leur témoignage, la confirmation que Paul Camus avait été prophète en son temps et en son pays. Il n’avait pas prévu cependant que le génocide de la langue française aurait eu pour complices des personnages du Gouvernement ou de la haute Administration, de la bourgeoisie nantie, etc. Même la modification de la Constitution et la promulgation d’une loi sans équivoque ne sont parvenues à endiguer l’inondation du charabia. Cet ouvrage dont Mme Guillemette Mouren, notre secrétaire générale, a été le maître d’oeuvre est une espèce de halte au milieu de nos combats. DLF pendant un demi-siècle a empêché, non pas le parricide qui continue à s’accomplir mais à en retarder l’effet. C’est une victoire bien qu’elle ait plutôt l’air de la défense d’une place assiégée. Tant que le dernier bastion n’est pas tombé, le succès est possible. Comme toujours il s’agit de force d’âme et non pas du dernier soubresaut du gibier forcé dans un bois.

Jean DUTOURD
de 1 'Académie française
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NDLR : Orné de nombreuses illustrations en couleur de Philippe Dumas,
Au bon beurre, l’un des grands romans de notre président,
vient de paraître à L’École des loisirs (368 p., 22, 80 €).


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