CONCOURS FRANCOPHONE PHILIPPE-SENGHOR

Discours du ministre de la culture et de la communication
(lu par M. Henri Paul, directeur de cabinet)

Monsieur le Président,
Mesdames et messieurs les ambassadeurs,
Madame la présidente du Concours Philippe-Senghor,
Mesdames et Messieurs,
Chers enfants,

    Il me faut tout d’abord excuser l’absence du Ministre de la culture, qui a été soudainement appelé en dehors de Paris par le Premier Ministre. Je dois non seulement l’excuser, mais surtout vous dire de sa part le regret qu’il éprouve de ne pas animer cette soirée, lui qui s’en faisait une joie, et le jour même de son anniversaire. En effet, dès que vous lui fait part, voici bientôt deux ans, de ce projet de concours scolaire francophone, madame la Présidente, il s’en est enthousiasmé et a souhaité y participer, tant cela lui semblait un moyen simple et touchant de montrer avec éclat que l’avenir de la francophonie devait absolument être porté par les enfants. Vous avez symbolisé cette idée en donnant à ce concours le nom de Philippe Senghor, le fils hélas disparu de l’inventeur de la francophonie, Léopold Sédar Senghor. La présence ce soir du président Abdou Diouf, qui a recueilli l’héritage spirituel de Senghor, et qui préside aujourd’hui aux destinées de l’Organisation internationale de la francophonie, témoigne, s’il en était besoin, de la nécessité pour nous tous de faire fructifier cet héritage, et cela en commençant par les enfants.
    Ce concours s’est rapidement développé, puisque nous y retrouvons les quatre pays qui participaient l’an passé, le Sénégal, Maroc, le Mali et la Guinée équatoriale, mais que quatre nouveaux pays les ont rejoints : le Liban, Haïti, Madagascar et le Togo.
    L’an passé, nous étions au Salon du livre, dont le thème était la Francophonie, et nous célébrions l’histoire d’une petite mouette qu’avait engagée Erik Orsenna, le parrain de ce concours. Savez-vous que cette petite mouette, qui accompagnait les chevaliers arlequins dans leur migration, nous a inspiré le thème de la semaine de la langue française pour cette année, semaine qui s’est ouverte samedi dernier ? En effet, ce sont les mots migrateurs qui nous avons mis à l’honneur cette année, ces mots qui ont quitté leur terreau natal, qui ont beaucoup voyagé, qui ont été adoptés, parfois tels quels, parfois en ayant été profondément transformés. Il était tout naturel que le concours Philippe-Senghor trouve sa place, et une place de choix, au cœur de cette semaine de la langue française. Aussi, cette année, nous avons souhaité que les résultats en soient proclamés ici même, au ministère de la culture et de la communication, qui est aussi la maison de notre langue française.
    C’est à Fatou Diome, écrivain sénégalaise, qu’Érik Orsenna a passé la plume cette année. Elle a choisi de commencer l’histoire d’une petite fille fort curieuse, la petite Aminata, qui quitte son village pour découvrir le monde, histoire que les enfants des écoles participantes devaient poursuivre et achever.
    On est frappé de voir comme les enfants ont été inspirés par cette proposition ; sans hésiter, ils se sont plongés, pour notre bonheur, dans le mystère de mondes enchantés,
- où toutes sortes d’animaux étranges se cachent derrière les baobabs, ces immenses baobabs où habitent les sorcières, mais au creux desquels on peut s’endormir, lorsqu’on est trop fatigué, - où les tam-tam sanglotent d’être inoccupés, quand personne ne les fait sonner,
- où les hyènes aux crocs pointus et à queue courte peuvent être aisément transformées en statues de pierre,
- où on peut aveugler d’un seul regard ces méchantes sirènes, parées de serpents, qui détestent tant la musique douce,
- où l’on perd ses cheveux si l’on n’arrive pas à temps,
- mais où des créatures affreuses vous guident et vous protègent,
- et où les dragons de mer sont gentils – et les termites bavards,
- où les fleurs se penchent et vous emportent où vous voulez, d’un coup de pétale,
- où les Trolls doivent rendre son dentier en or à un pauvre tigre édenté,
- où les cuisses de poulet poussent facilement sur des arbres,
- où les faucons dorés mélomanes vous offrent quelques unes de leurs précieuses plumes, et vous font aimablement un brin de conduite,
- où il suffit de souffler dans un coquillage pour convoquer les requins-scies,
- où des aigles font office de chauffeur, quand on n’a pas de tapis volant sous la main,
- où on rencontre certains chiens géants à poil rouge et gris, et d’autres qui arrivent à se croiser les pattes de derrière,
- où le ménage est fait par des serpillières qui nettoient toutes seules,
- où les corbeaux gardent des rubis et où les crânes des crocodiles sont remplis de diamants et d’or,
- où les pirogues glissent sur les arcs-en-ciel,
- ET … où l’on trouve encore des princes charmants à épouser !...

    Pour découvrir tout cela, il faut avoir envie, comme Aminata, de savoir ce qui se passe là-bas, au loin, très loin, de l’autre côté de l’horizon. Il faut être prêt à traverser les forêts dangereuses, les montagnes enneigées et des océans immenses, au-delà desquels on rencontre parfois d’autres petites filles, très différentes parce qu’elles sont blanches, mais très gentilles tout de même, et avec qui on peut devenir amies.
    Et tout cela, Aminata le fait sans armes ni bagages, avec ses yeux de lynx, son intelligence de sphinx et son larynx de rossignol. Et sans connaître heureusement le sort de la pauvre Syrinx, cette nymphe des bois éperdue et affolée qui, pour échapper aux assiduités du dieu Pan, fut transformée en roseau.
    Car, même s’il lui arrive d’avoir peur, Aminata est une courageuse, une vaillante, une battante, dans chacun de ces huit petits romans d’aventure que nous proposent les enfants.
    Ils y ont tous donné carrière à leur imagination, et je dois avouer qu’en les lisant, je me suis trouvé replongé dans un monde que je croyais bien loin de moi, mais qui est revenu d’un seul coup, sans effort. Tant nous avons besoin, de temps à autre, que la froide réalité laisse la place aux images et aux scènes fantasques que suscitent nos rêves et nos désirs.
    Pour conclure ces quelques mots, nous voulons féliciter chaleureusement ces enfants et les enseignants qui ont guidé leurs travaux. Nous voulons également remercier tous ceux qui ont contribué au bon déroulement de ce concours, ici en France comme dans les huit pays. Ayons tous, enfin, une pensée particulière pour deux de ces pays, Haïti et le Liban, qui ont été particulièrement éprouvés, ces temps derniers, et dont la participation signifie que les mains peuvent se tendre, au-dessus des désordres et de la guerre, dans un geste d’espoir et de fraternité, dont les enfants nous donnent aujourd’hui un exemple lumineux.
    Je vous remercie.
Renaud DONNEDIEU de VABRES