Défense de la langue française   
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APPEL DE VILLERS-COTTERÊTS
          Au moment où s'engage, face à l'offensive des forces d'uniformisation, une lutte décisive pour sauvegarder la richesse et la diversité du monde, il importe de rappeler à tous les Français, à tous les francophones, et plus généralement à tous ceux qui ne se résignent pas à voir minorer ou mourir leur langue, leur culture, leurs valeurs, qu'il n'y a pas de fatalité de la loi du plus fort.
          Comme la variété des espèces, la diversité culturelle est un facteur indispensable de la survie de l'espèce humaine. La liberté de l'esprit, les capacités d'adaptation aux défis de l'époque, exigent que chaque question puisse être envisagée et traitée sous les différents angles propres aux grandes cultures encore vivantes. Le plein exercice des droits des citoyens, comme la pérennité de la Nation, exigent, en France comme dans les autres pays qui se réclament de la Francophonie, l'intercompréhension et le rassemblement autour de la langue française. Que la France accepte sans combattre de se voir réduire à un conglomérat de communautés informes est inacceptable. Car la République a repris et proclamé pour l'Humanité des principes patiemment élaborés sous les plus éclairés de nos Rois, et qui devraient inspirer aujourd'hui l'action de nos dirigeants.

          En ce haut lieu de notre Histoire, où, en 1539, fut établie par François 1er la base linguistique de notre droit, nous, citoyens de la Francosphère, représentants de quarante associations de France, d'Amérique et du Québec, de Wallonie et de Bruxelles, d'Afrique et d'Asie, réaffirmons solennellement le droit des francophones à l'usage de leur langue commune : le français, dans tous les domaines de la vie économique, professionnelle, scientifique, technique et culturelle, et dans tous les actes de la vie juridique et politique.
          Défenseurs de la langue française, nous le sommes aussi, au nom de la diversité, des autres langues de nos terroirs, qui doivent trouver leur place propre sans servir d'instruments contre celle qui nous rassemble, qui seule fait foi lorsqu'il le faut, et nous permet de dialoguer à travers les continents.
          Ce principe fondamental doit toujours prévaloir sur toutes les considérations économiques, les calculs de coûts et de rentabilité, les commodités catégorielles. Il garantit en effet notre volonté de vivre ensemble, face aux pressions et aux manœuvres des puissants du jour, et d'un empire par nature périssable.

          En foi de quoi nous demandons à tous les pays en tout ou en partie de langue française :
  • d'entendre la « demande de France » et d' « humanisme francophone » venant du monde entier, et d'y répondre ;
  • de garantir sur leur territoire le libre exercice des droits linguistiques, individuels et collectifs, des francophones, et de reconnaître leur identité propre ;
  • de maintenir le haut niveau d'enseignement du français donnant à nos enfants la capacité de maîtriser leur destin.
          Nous exigeons de tous les Gouvernements des pays ayant le français en partage qu'ils mènent une action vigoureuse et concertée pour faire respecter la place du français dans les institutions internationales, tant mondiales que régionales ;
          Nous attendons des chefs d'États et de gouvernements réunis à Beyrouth, dans ce Liban cher au cœur des Français et de tous les francophones, qu'ils adoptent à ce 9e Sommet une charte de la langue française, donnant à celle-ci, partout où elle n'est pas l'une des langues nationales, le statut de langue étrangère la plus favorisée. Elle doit en effet y recevoir un traitement égal ou supérieur à celui de toute autre langue non nationale, dans l'enseignement, les médias et la diplomatie.
          Nous demandons aux chefs d'États et de gouvernements réunis à Beyrouth de préparer, en vue du 10e Sommet, la transformation de l'actuelle « Organisation internationale de la Francophonie » en véritable « Communauté ». Cela implique qu'elle renforce, pour la paix du monde, le dialogue, aujourd'hui plus que jamais nécessaire et urgent et qui n'a guère d'autres places que chez elle, entre les civilisations et les religions. Cela implique aussi la définition de formes adaptées de citoyenneté francophone et de préférences communautaires, d'abord dans la production et la circulation des biens et services culturels.
          Nous demandons aux chefs d'États et de gouvernements de créer une « Association de jeunes volontaires de la Francophonie ».

    Considérant que la France se doit de donner l'exemple, nous demandons solennellement au chef de l'État, au Gouvernement, ainsi qu'au Parlement français :
  • d'engager enfin une politique de la Francophonie digne de ce pays, et des solidarités qui lui créent des obligations de soutien sur tous les continents, d'abord aux communautés où le français est langue maternelle, puis là où une histoire plus récente l'a installé ;
  • d'élever la construction de la Communauté francophone au même rang que celle de l'Union européenne ;
  • de faire respecter cette politique par tous en France : particuliers, entreprises, médias ;
  • de renoncer au Protocole de Londres sur les brevets d'invention, et de refuser de le ratifier ;
  • de maintenir l'exigence de rédaction en français de tous documents publics, tels ceux qui s'adressent aux entreprises voulant se faire coter en Bourse ;
  • de redonner vie et vigueur à sa coopération privilégiée avec les pays francophones en développement.
          Nous demandons enfin l'ouverture d'une souscription nationale et internationale en vue de restaurer le château de Villers-Cotterêts d'où nous lançons notre appel. Il s'agit d'en faire un haut lieu de recherche, de formation, de congrès et de rencontres des organisations non gouvernementales en lutte pour le français, la Francophonie, et la diversité linguistique et culturelle du monde.
          Nous appelons en somme à la Résistance : au sein d'un FFI - Forum francophone international - de tous les réseaux associatifs de la Francosphère, pour le français et pour la diversité culturelle du monde.
          Nous proclamons notre détermination à faire cesser les transferts des souverainetés démocratiques nationales au seul profit d'oligarchies technocratiques qui veulent imposer une langue unique.
          Nous appelons tous les citoyens de la Francosphère à soutenir partout les communautés francophones dans l'affirmation de leurs droits, et les Québécois qui veulent un destin de peuple souverain.
          Nous appelons à la solidarité des grands ensembles linguistiques et culturels, et aux coopérations renforcées entre les pays de culture latine.

          Nous prenons les opinions publiques - les électeurs - à témoin. Nous attendons en effet des pouvoirs publics de tous nos pays francophones : des engagements concrets et fermes sur nos demandes.
          Nous attendons du Sommet de Beyrouth qu'il marque un sursaut de la Communauté francophone, non pas un simple sursis dans une déroute consentie, voire programmée.

          Notre combat, légitime, est animé par une volonté de liberté et de justice, un esprit d'universalité et un sentiment de fraternité.
          Si, comme l'affirmait le général de Gaulle, c'est en servant sa patrie qu'on sert le mieux l'univers, c'est en servant la langue qui nous unit que nous servirons le mieux la paix.

Fait à Villers-Cotterêts, le 7 octobre 2001.
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