Défense de la langue française   
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Défendre la langue française en la faisant aimer, tel est notre propos. À la lecture des instructions officielles de l’Éducation nationale, nous avons organisé ce jeu : un feuilleton écrit par des élèves de 4e, sous la tutelle de leur professeur, jeu dont la récompense est la publication dans la revue. La classe entière doit participer à l’écriture.

Trois établissements sont en compétition pour concevoir un des trois épisodes. Chacun des épisodes est composé par un collège différent.

Ce travail collectif se fait au cours de plusieurs séances que le professeur organise à sa convenance. Le premier épisode retenu a été élaboré d’après les informations données par le professeur :

– les élèves votent pour proposer un cadre spatiotemporel et la nature de personnages ;

– des ateliers d’écriture collective délibèrent au sujet de l’emploi des mots et des figures de style (métaphore, comparaison, etc.) ;

– le premier épisode est le fruit de ces travaux.


Premier épisode.
À peine la nuit tombée, la lune se refléta sur l’eau scintillante du port de Casablanca. L’odeur des grillades envahissait peu à peu la cité. Il y régnait un froid glacial qui contrastait avec les fortes chaleurs de la veille. Les cris des enfants et des mouettes résonnaient à travers le port comme un orchestre de chaâbi. Le quai était bordé de vieux paquebots qui ressemblaient à des monstres fumants attendant une foule de gens impatients. L’embarquement était imminent.

Soudain, à la lueur d’un lampadaire, une silhouette longiligne apparut. Elle semblait esquiver la lumière et paraissait voler au-dessus des pavés fatigués. Les pans de son long kaftan bleu foncé traînaient sur le sol poussiéreux. Plus elle s’approchait du grand navire qui reliait Londres à Casa, plus sa longue chevelure brune, parfaitement ointe à l’huile d’argan, brillait. Ses yeux verts scintillaient dans la pénombre.

Jannah venait de s’échapper de la maison de sa grand-mère avec qui elle vivait depuis la mort accidentelle de ses parents.
Arrivée devant le monstre à vapeur, elle se demanda comment elle allait pouvoir s’infiltrer à l’intérieur sans être repérée.
Il lui fallait se changer ! Une idée lui vint lorsqu’elle aperçut, oubliée dans un recoin, une malle en osier.
Comme personne ne la regardait, elle l’ouvrit et se saisit de vêtements de garçon un peu trop grands qu’elle alla enfiler cachée derrière un hangar.
Ainsi, Jannah se dépêcha de retourner voir si la malle était toujours à quai. Comme personne ne l’avait enlevée, elle se glissa à l’intérieur. Cachée là, elle finit par entendre le retentissement des sirènes qui annonçaient le départ. Tout à coup, elle entendit des voix et sentit la malle se soulever.

4e 6, collège Marguerite-Duras à Libourne

Pour ce premier épisode nous avons trois établissements arrivés en moins bonne position et « non continués » :
- collège Blaise Cendrars, Boissy-Saint-Léger voir texte ICI
- collège Anatole France, Casablanca, Maroc voir texte ICI
- collège Saint-Yves le Likès, Quimper voir texte ICI

Épisodes 2 et 3

ÉPISODE 2 retenu par le jury : – 3 classes de 4ème du collège La Vaucouleurs Mantes-la-Ville


        Quelques instants plus tard, la malle fut posée dans un lieu obscur. Les porteurs s’étaient éloignés. Jannah entendit des pas grincer. La sirène retentit. Le bateau partit. Le mal de mer l’envahit.
        Elle tenta de sortir, mais se cogna la tête, et retomba. Dans son désarroi, elle songea soudain à sa grand-mère et au temps vécu avec elle. Comme elles s’entendaient bien, jusqu’au jour où elle voulut la marier à seize ans avec son cousin Hamid, de vingt ans son aîné. « Va me chercher mon costume », entendit-elle tout à coup.
        Jannah fut prise d’épouvante et tressaillit. Elle chercha encore une fois à s’évader, mais la malle restait cruellement fermée. Soudain, le couvercle s’ouvrit et elle aperçut le charmant visage d’un jeune homme vêtu d’un kaftan brodé d’argent. Il fit un bond en arrière. Il avait des cheveux blonds, un regard d’un bleu profond. Terrifiée, elle s’écria d’une voix tremblante, les larmes aux yeux :
        - Je vous en conjure, n’appelez point votre maître !
Il la regarda étonné, s’approcha et la prit par la main pour l’aider à sortir. Il fut surpris par la douceur de sa peau, la finesse de ses doigts, la délicatesse de ses ongles. Comme cette main d’homme est singulière, pensa-t-il.
        - Mais qui êtes-vous ? Que faites-vous ici dans cette malle ?
        - Ne me dénoncez pas, je vous dirai tout ! Je m’appelle Jannah, je me suis enfuie désespérément pour rejoindre… mon bien-aimé ! Avoua-t-elle en pleurant. Il est grand, roux, ses yeux sont verts comme l’émeraude. C’est un homme d’affaires à Londres. Il importe des dattes, des figues, du safran, de la cannelle, des clous de girofle du Maroc. Il a environ vingt-trois ans… M’aideriez-vous à le retrouver ?
        - Mais je le connais, c’est probablement James Alexander !


ÉPISODE 3 retenu par le jury : classe de 4B du Collège français René Cassin, Fianarantsoa à Madagascar
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        Étonnée, elle acquiesça, bouche bée; le jeune homme poursuivit : « C’est un homme d’affaires renommé à la Cité de Londres ! Mon chef va justement lui livrer de l’huile d’argan, du safran et des épices ! ». Soudain, un bruit de pas les interrompit : « Aylan, vite, mon costume ! » aboya son maître. Jannah plongea aussitôt dans la malle et le garçon la referma brusquement après avoir saisi l’habit. « Tenez Monsieur, il se trouvait tout au fond! » improvisa-t-il. L'homme irrité lui arracha les vêtements des mains et quitta furieusement les lieux.
        Aussitôt, Aylan fit sortir la jeune fille et l’emmena dans une cabine inoccupée du navire, un abri plus sûr et plus discret. Jannah le remercia et lui conta ses mésaventures. Touché par l’histoire de la jeune fille, qui avait sensiblement le même âge que sa soeur, il décida de lui prêter secours.
        Durant la traversée, Aylan lui fut d’une grande aide : il préleva une part de ses repas pour la nourrir, lui fournit de l’eau et dès qu’il le pouvait, passait du temps auprès d’elle.

        Bientôt, le pont de Londres surgit de la brume qui tapissait la Tamise, Jannah tremblait : elle n’était pas habituée au climat froid et humide londonien. Le navire s’avança alors que le magnifique pont victorien à bascule s’ouvrait pour lui céder le passage. La jeune fille était surprise par les intonations subtiles de la langue anglaise qu’elle percevait dans le lointain. La masse de la forteresse de La Tour de Londres l’impressionna... tout était si différent de Casablanca.
        Enfin, ils accostèrent à leur ponton, Aylan la dissimula dans une caisse d’épices destinée à James Alexander. Lorsque ce dernier réceptionna sa marchandise, il découvrit, médusé, sa bien-aimée qui exhalait des effluves de safran, comme au Maroc, les jours de printemps.


ÉPISODES non retenus par le jury

ÉPISODE 2 - classe de 4ème 3 du Lycée français Charles de Gaulle, Londres, Grande-Bretagne
        La malle était secouée au rythme des pas de son propriétaire. Jannah retenait son souffle. Sa grand-mère aurait sûrement prévenu la famille de son fiancé qui aurait immédiatement envoyé des hommes à sa recherche! Elle sentit la malle se poser avec un choc sourd. Comme les pas s’étaient éloignés elle souleva le couvercle, constata qu’elle se trouvait dans une cabine déserte et attrapa lestement quelques bonbons anglais joliment disposés sur un plateau d’argent. Soudain elle entendit des pas se rapprocher. A travers le verre fumé de la porte, elle vit passer une silhouette inquiétante en tunique blanche: c’était un des sbires de son fiancé.

        Elle respira un grand coup, fourragea dans la trousse de toilette qui traînait dans la malle, tailla ses cheveux à grands coups de ciseaux, poudra au fusain sa lèvre supérieure, et sortit de la cabine à grandes enjambées. Elle se dirigeait vers le carré lorsqu’une main se posa sur son épaule. Se retournant dans un sursaut elle reconnut l’homme en djellaba. Elle était cuite !

-Excusez-moi, fit-il en anglais avec un fort accent marocain.

Jannah fit signe qu’elle était muette. L’homme disparut dans une coursive. À peine avait-elle poussé un soupir de soulagement qu’un vieux majordome la héla:

-Toi, sers le thé dans le salon principal.

Jannah passa le reste de la traversée sous la couverture discrète du serviteur muet, jusqu’à ce qu’elle aperçût, un matin en se réveillant, les falaises blanches du Sussex. Peu après le bateau s’amarra au quai de Portsmouth. Avec son modeste salaire, elle s’acheta un billet de troisième classe pour Londres. À Waterloo, sous l’horloge à quatre faces, une troupe de policiers à la mine patibulaire brandissait une affiche arborant son visage et un des seuls mots anglais qu’elle reconnaissait : Missing.


ÉPISODE 2 - collège La Sainte-Famille, Amiens
        Jannah retint sa respiration, les longues minutes qui suivirent semblaient durer une éternité. Quand la malle se posa enfin dans le monstre à vapeur, Jannah prit une bouffée d’air. Quelques minutes plus tard, les pas s’éloignèrent et la sirène qui signalait le départ des bateaux retentit. La jeune fille attendit encore un moment afin de vérifier qu’aucun passager ou membre d’équipage n’était à proximité. Le silence s’installa autour d’elle. Rassurée, elle put ouvrir la malle. Elle poussa sur ses jambes ankylosées et sortit enfin de cette prison d’osier étroite mais chaude où elle se sentait pourtant en sécurité. Elle se trouvait dans une cabine, une suite luxueuse. Celle-ci se composait d’un grand lit, d’une baignoire aux pieds de lion et de miroirs ornés d’or. Elle était émerveillée par cette décoration magnifique. Mais quelque chose n’allait pas, elle se sentait observée. Jannah se retourna lentement et vit un homme d’une cinquantaine d’années, assez petit, mais à l’allure vive. Il était vêtu d’habits qui avaient l’air très chers.

        Tous les deux étaient surpris et, à la stupéfaction, s’ajoutait l’effroi pour la jeune fille. Elle se cacha alors derrière la malle. L’homme d’affaires, qui parlait l’arabe depuis qu’il faisait du commerce avec les pays du nord de l’Afrique, la rassura en lui répétant qu’il n’allait pas la dénoncer. Jannah lui fit alors face et lui expliqua qu’elle s’était cachée dans la malle, qu’elle n’avait pas d’argent, qu’elle avait faim et qu’elle devait absolument aller à Londres. L’homme fut touché par son accent sincère et sa détermination, semblables à ceux de sa cadette, et décida de régulariser sa situation ; le capitaine étant devenu l’un de ses amis, sa requête allait évidemment être entendue.


ÉPISODE 3 – classe 4ème A du collège du Val d'Authie, Auxi-le-Château
Jannah ne savait pas comment réagir puisqu’elle avait décrit un homme qu’elle se souvenait avoir vu à la télé.
- Est-ce que tu sais nager ? demanda Abdel. - Oui... mais pourquoi ?
- Suis moi.
Abdel lui prit le poignet, l’emmena dans un endroit calme du bateau et la fit passer par-dessus bord. Il hurla : « un homme à la mer ! » et lui envoya une bouée de sauvetage. Le personnel du bateau arriva précipitamment et sauva Jannah. Abdel expliqua qu’en se promenant sur le bateau, il avait vu cette silhouette qui se noyait. Remontée à bord, l’équipage s’aperçut que c’était une femme.
Ils essayèrent de lui poser des questions mais choquée, tremblante, en colère contre Abdel, elle fut incapable de répondre. On décida de l’emmener à l’infirmerie pour la soigner, la réchauffer et la calmer. Virginie, l’infirmière, essaya d’obtenir des informations mais comme Jannah ne put répondre, elle en conclut qu’elle était muette suite au choc subi. Jannah poursuivit le voyage à l’infirmerie sous l’étroite surveillance de Virginie. Arrivés en Angleterre, Abdel proposa à Jannah de manger au restaurant pour s’excuser et de l’aider à retrouver James. Elle fit semblant d’accepter le restaurant et les excuses mais son but était de lui fausser compagnie. Lorsqu’il paya le restaurant, elle observa attentivement où il rangeait son portefeuille.
Dans le train vers Londres, elle lui prit un peu d’argent alors qu’il s’était endormi. Arrivés à destination, elle prétexta devoir aller aux toilettes et disparut. Abdel la chercha en vain.


ÉPISODE 3 – classe 4ème D du collège André Malraux, Ramonville-Saint-Agne,
Jannah resta ébahie, c’était bel et bien lui.
        « Il se trouve en ce moment même à bord du bateau, mais ce dernier est bien trop vaste pour savoir où. Je veux bien vous rendre service en attendant de le retrouver, suivez-moi ! »

        Après de longues minutes de marche dans les méandres du navire, ils arrivèrent dans une minuscule pièce, à l’odeur nauséabonde et à la chaleur étouffante. En son centre gisaient un simple sac de couchage et quelques vivres.

        « Je n’ai rien de mieux à vous proposer, j’en suis désolé», s’excusa le jeune homme. Il repartit ensuite s’affairer dans le navire.

        Plusieurs heures de voyage s’écoulèrent lorsqu’en pleine nuit, Jannah fut réveillée par un grincement terrible. Elle tendit l’oreille et entendit des hurlements de terreur. Puis elle perçut un cri :

        « Le bateau va sombrer ! Les femmes et les enfants d’abord ! »

        A ces mots, la passagère clandestine se leva d’un bond et tenta de retrouver le pont principal. Elle courut le plus vite possible, essayant de se remémorer le trajet effectué plus tôt. La jeune fille trouva enfin un escalier, elle le gravit à toute allure pour arriver dans la salle des machines. Elle s’aperçut avec effroi que de l’eau montait déjà à l’assaut des marches de l’escalier. Elle courut, trébucha, perdit pied, mais retrouva enfin son chemin dans ce dédale.

Sur le pont, c’était la panique la plus totale, tout le monde se bousculait. Alors qu’elle s’apprêtait à monter sur le dernier canot, un homme de grande taille la bouscula violemment et prit sa place.

        Elle regarda, les yeux remplis de terreur, l’embarcation descendre vers l’océan d’un noir d’encre. L’homme tourna la tête vers elle. Malgré l’obscurité, Jannah put contempler ses cheveux roux et ses yeux vert émeraude tandis que le navire s’enfonçait dans les abysses.

DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE
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