Défense de la langue française   
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LA CRISE DE LA TERMINOLOGIE


Bernard Lecherbonnier

22 septembre 2007

      Les progrès de la science, des techniques et des services aboutissent à la création permanente de nouveaux concepts et objets.

      Il est derrière nous le temps où la terminologie à la Diderot n’avait pour objet que les termes de métiers pour désigner matières, outils ou processus de fabrication. Aujourd’hui prolifèrent au quotidien innovations, inventions et découvertes dans tous les domaines d’activités. Il n’est pas rare qu’un seul domaine, comme la médecine ou l’océanographie, compte à lui seul deux ou trois fois plus de termes que le lexique général de la langue française…

      La production de termes français constitue la condition fondamentale de la survie de notre langue. La démonstration en est donnée à travers l’exemple des pays qui ne produisent aucun effort terminologique. Ces pays -il en est ainsi de certains Etats nord-européens- sont d’ores et déjà obligés d’enseigner en anglais la quasi totalité des disciplines dans leurs universités.

      Les grandes langues européennes ont des positions diverses face à la question terminologique. Certains pays ont abdiqué, admettant qu’une seule langue, l’anglais suffirait désormais pour traduire la modernité. Les Italiens semblent résignés à cette idée alors que les Polonais résistent avec obstination…L’attitude des Allemands est ambiguë : si leur patriotisme linguistique semble faible, ils continuent en revanche à déposer leurs brevets en allemand, ayant bien compris que la raison économique leur imposait ce choix. La position de la France est incohérente. Sans moyens spectaculaires, mais clairement soutenue par les gouvernements successifs depuis Georges Pompidou, la terminologie française est restée une grande préoccupation des académies, des associations professionnelles et des ministères jusqu’en 1981. Ensuite n’a guère subsisté que ce qui a relevé du bénévolat et de l’institutionnel (commissions ministérielles de terminologie). Même les associations reconnues d’intérêt public ont dû trouver des financements privés : il en est ainsi du CILF (Conseil International de la Langue Française) qui a signé des contrats avec des fédérations patronales (métallurgie…) et avec des académies, notamment l’Académie de Médecine. Cette dernière a réalisé dans ce cadre un travail exemplaire (10 grands volumes de terminologie médicale, secteur par secteur, de plusieurs centaines de milliers de termes). Il est à noter que les éditeurs privés ont toujours refusé de diffuser les dictionnaires du CILF qui a dons le plus grand mal à faire connaître ses productions.

      La terminologie française fait encore front aux enjeux de la modernité grâce aux Belges, aux Suisses et aux Canadiens très bien organisés en la matière et, surtout, grâce aux organisations internationales -en premier lieu les Nations Unies- qui sont obligées de produire en permanence un nombreux vocabulaire technique à des fins de traduction, le français restant -jusqu’à quand ?- une langue internationale dans laquelle doivent être en effet traduits tous les débats internationaux. Les grands sites terminologiques de langue française à destination des traducteurs et des professionnels sont financés par les institutions multilatérales (ONU, UNESCO, OCDE, BIT…)

      Le maintien de l’obligation de traduire systématiquement en français tous les brevets est la condition sine qua de la survie du français scientifique et technique.

      La terminologie scientifique française exige un débat de fond et ne peut être expédiée aux oubliettes sous prétexte de ratifier à la va-vite un protocole scélérat. Ce dernier a évidemment une portée politique car, au-delà de la question terminologique, se profile le maintien du statut international de la langue française. En un mot pourra-t-on demain dire le droit, soigner des patients, concevoir un programme aéronautique, explorer les océans, gérer une société, etc… en s’exprimant en français ? On sait qu’un certain nombre d’entreprises ont d’ores et déjà fait le choix de l’anglicisation.

      En tout état de cause si l’Etat ne protège pas et ne promeut pas la terminologie en langue française, toute politique en faveur de la Recherche en France est mort-née.

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