Défense de la langue française   
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Quelles langues pour une Europe à 27 ?
Quelques jours avant que ne débute la présidence française de l'Union européenne ont paru deux informations significatives : en France, la décision du ministre de l'Éducation nationale de développer l'enseignement des langues dès l'école primaire - et, outre-Rhin, les chiffres d'un sondage révélant 83 % d'opinions favorables à la France assorties du souhait exprimé par 52 % des Allemands de connaître notre langue.
Il ne semble donc pas encore trop tard pour inverser la dérive vers un tout-anglo-américain propre à niveler les identités de l'Europe en marginalisant ses langues. À l'heure où non seulement les échanges économiques restent prépondérants entre la France et l'Allemagne, mais où la majorité des touristes étrangers en France sont germanophones et où renaît ici et là la soif d'une culture européenne dans sa diversité, il est aberrant que tant de Français et d'Allemands recourent pour s'entendre à la langue de l'Amérique et que l'on manque dans les entreprises françaises - y compris en Alsace! - de cadres maîtrisant l'allemand.
Encore faut-il, pour faire renaître l'enseignement mutuel des deux principales langues du continent ouest-européen, ne se tromper ni sur les buts ni sur les moyens. Et approfondir au lieu de réduire la connaissance de la langue maternelle.
Le premier but est de former précocement les esprits. Le recul, regrettable en soi, de l'enseignement des langues anciennes à déclinaisons renforce l'intérêt de choisir comme première langue étrangère l'allemand et non l'apparente facilité d'un anglais plus simple que clair. Personne ne nie l'utilité de celui-ci. Il est toujours loisible de l'aborder en deuxième ou troisième position.
Quant aux moyens, ils exigent un effort d'échange massif entre enseignants français en Allemagne et allemands en France), seul capable de transmettre aux enfants la justesse des sons et de remédier au piètre niveau de connaissance fondamentale des langues dans la plupart des écoles de France.
Un rapprochement, non plus uniquement économique et politique, mais culturel des francophones et des germanophones, n'est pas seulement dicté par le bon sens, mais par les problèmes liés à l'élargissement de l'Union européenne.
La question des langues n'est que peu ou pas du tout évoquée parmi le maquis des réformes à adopter. L'Europe initiale des Six avec quatre langues, dont le français comme langue de travail, devint au bout de vingt ans, en 1973, l'Europe des Neuf où l'anglais, cheval de Troie de l'influence américaine, obtint d'être deuxième langue de travail et s'efforça ensuite lors de chaque élargissement, de réduire la place du français et des autres langues des États fondateurs.
De l'Europe à quinze d'aujourd'hui, avec onze langues officielles, absorbant plus du tiers de son budget en frais de traduction, on vise à l'horizon 2010 une Europe à 27 membres qui comptera 21 langues !
Chacun sait que le dogme de l'égalité de tous ces idiomes sera impossible à respecter dans les faits et mènera à une impasse. Celle-ci est voulue pour, sous couleur de « réalisme » et de commodité, imposer un seul langage, celui du dollar. Nul empire universel n'a tenu. A celui d'une seule langue, déjà menacée par son défaut de structures, succéderait une nouvelle Babel où chacun divergerait sur le sens des mêmes mots.
Dans l'Europe d'après-demain, chacun doit garder le droit sacré de s'exprimer dans sa propre langue nationale. Mais on ne pourra pas, pour les traductions officielles, ne pas prévoir un statut de langues-pivots pour celles à qui est déjà impartie une vocation internationale. Tel est le cas des brevets européens publiés en trois langues -auxquelles il serait juste d'adjoindre l'espagnol.
« Centre de gravité » ou pas, le français et l'allemand sont solidaires pour ne pas disparaître. Leur survie conditionne celle des autres.
Par Philippe LALANNE-BERDOUTICQ
Administrateur de l'association de défense de la langue française

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