Défense de la langue française   
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VERS UN RÉSEAU EUROPÉEN,
PUIS MONDIAL,
DE DÉFENSE DES LANGUES
Premiers signes de réveil de l'allemand
30 mai 2001
Après la loi Bas-Lauriol de 1975 en France, la loi 101 de 1977 au Québec, l'inscription en 1992 de la langue dans l'article 2 de la Constitution française, la « loi Toubon » du 4 août 1994, auxquelles il conviendrait d'ajouter à la fois les textes israéliens sur l'hébreu et les mesures prises par des États fédérés des États-Unis d'Amérique pour affirmer le rôle de langue officielle de l'anglo-américain face à la montée de l'espagnol, les francophones se trouvent de moins en moins isolés et moqués dans leur combat d'avant-garde pour le maintien de la diversité culturelle et linguistique du monde par des voies constitutionnelles et législatives.
En effet, la Pologne a adopté en 2000 une loi protectrice de la langue polonaise . Un appel émouvant, écho du manifeste des intellectuels français de 1992, vient d'être lancé à toute l'intelligentsia italienne, par une association « Bella Lingua », de création récente dans la Péninsule. Des associations brésiliennes, en contact avec les nôtres, ont amené des députés à déposer une proposition de loi actuellement en discussion au Parlement de Brasilia.
Et voici que, des deux associations allemandes partenaires des nôtres : le « Verein deutsche Sprache » et la « Gesellschaft für deutsche Sprache », qui se préoccupent de la défense et de l'avenir de la langue de Goethe, l'une vient de rédiger un excellent avant-projet de loi pour sa protection et sa promotion en Allemagne et dans les institutions européennes.
Dans une annexe de pénétrante analyse comme dans l'exposé des motifs, Ses promoteurs reconnaissent que leurs élites et l'opinion publique ne sont pas actuellement prêtes à admettre que des mesures constitutionnelles et législatives fédérales (du Bund) soient aussi nécessaires et efficaces en matière de langue qu'elles ont pu l'être dans les domaines de la sécurité sociale, de l'environnement, du droit du travail, des baux locatifs, etc.…Selon eux, leurs compatriotes sont encore, plus de 50 ans après la défaite, mal à l'aise dans leur relation avec leur langue, leur histoire, leur nation, et toujours enfermés dans leur fascination et leur suivisme à l'égard du principal vainqueur. Beaucoup d'Allemands, habitués à craindre le nationalisme et même le patriotisme, et à se penser européens et citoyens assagis du monde – du moins de sa partie occidentale – trouveraient que l'usage généralisé de l'anglais comme langue seconde, voire comme langue unique de l'avenir, relève d'un universalisme souhaitable, confortable, et profitable. Du reste, dans la plupart des domaines vitaux de l'activité nationale, dans les sciences, les techniques, les affaires, les médias, voire dans la vie courante, l'invasion de l'anglo-américain aurait, aux yeux de beaucoup, causé en plus d'un demi-siècle des dégâts difficilement réversibles. L'allemand a, en effet, souffert cruellement de l'absence d'Académie et de création néologique et terminologique, et de l'indifférence des dirigeants comme de la population.

Il ne semble pas abusif de parler aujourd'hui d'un réveil, en ce domaine comme dans d'autres, d'une Allemagne réunifiée qui reprend conscience de sa force, de sa très grande ouverture au monde, et de son poids spécifique en Europe. Si elle paraît perdre ses enfants et ses marks, elle retrouve sa capitale, sa fierté et ses marques.

La France, comme à d'autres moments de l'histoire européenne, n'aura pas été étrangère au réveil allemand, alors même qu'elle semble se relâcher à son tour. Dans plusieurs universités d'outre-Rhin, encore fidèles à leurs traditions, se sont levés des professeurs, familiers ou proches pour la plupart de notre langue et de notre culture, qui ont observé et envié l'effort français de ces trente dernières années, aussi timide et insuffisant fut-il. Ils s'y réfèrent ouvertement et abondamment. Ils déplorent que la presse de leur pays ait été la plus virulente dans les attaques contre la loi Toubon, à l'unisson de la presse anglo-saxonne et d'une partie de la nôtre. Ils militent pour engager leur pays dans un combat analogue pour la langue et la culture allemandes, pour la diversité linguistique et culturelle du monde, et contre l'adoption de l'anglo-américain et des modes et stéréotypes des Etats-Unis d'Amérique. Ils savent que leur succès dépend d'une action longue et opiniâtre pour sensibiliser, voire rééduquer, leur opinion publique désinformée. Mais les acquis chez nous leur paraissent assez probants pour qu'ils transposent chez eux ceux des principes, des argumentaires, des institutions et des textes qui leur paraissent transposables, compte tenu des différences fort bien analysées des philosophies, des histoires et des cultures entre les deux pays. Dans une Allemagne très fédérale, ils estiment indispensable que cette affaire relève du Bund (pouvoir fédéral) et non des Länder, sous la forme d'une grande loi et d'institutions fédérales, voire d'un ancrage dans la Constitution (Bundesverfassung), à l'instar de la France.

Leur avant-projet : « Gesetz über den Schutz der deutschen Sprache » présente de grandes similitudes avec la « loi Toubon ». Il suffit ici de les énumérer brièvement :
  • dans l'affirmation du rôle fondamental de la langue pour l'unité du pays, la cohésion sociale et l'intégration des étrangers ;
  • dans les domaines couverts : affichage, publicité, enseignement, etc.;
  • par la protection du consommateur, ainsi que du travailleur et du citoyen dans leurs relations contractuelles et dans la vie des entreprises;
  • par l'affirmation du rôle de l'allemand dans la vie universitaire et scientifique, dans les colloques et les congrès ;
  • par l'instauration de sanctions et amendes diverses pour faire respecter la loi ;
  • par le pouvoir donné à des associations agréées d'ester en justice dans ce même but.
L'inspiration française, non plus de la loi Toubon, mais des institutions et pratiques antérieures, se retrouve dans les dispositions de l'avant-projet allemand qui créent une Académie souveraine et instituent des commissions ministérielles de terminologie.
L'avant-projet allemand - il est intéressant de le noter - propose d'aller plus loin que la loi Toubon dans le domaine des sciences et de la recherche, et surtout dans celui de la radio et de la télévision.

Les auteurs de ce texte ne se font guère d'illusions sur ses chances d'être adopté dans un futur très proche. Mais le mouvement est lancé. Une résistance allemande s'est levée.

Avec les associations allemandes, italienne, brésiliennes, bientôt hollandaise et russe, puis toutes celles qui voudront les rejoindre, les associations françaises espèrent bien créer un véritable réseau européen et mondial pour lutter pour la diversité culturelle et linguistique. Ce mouvement ne s'arrêtera plus. Nos divers « responsables » sont invités à le prendre en considération pour ce qui les concerne. Tous les lecteurs de cette note sont appelés à lui apporter leur adhésion et leur soutien actif.

Albert Salon, docteur d'État ès lettres, administrateur de « Défense le la langue française », Vice-Président délégué d' « Avenir de la langue française »,
34 bis, rue de Picpus, 75 012 Paris ;
tél. 01 43 40 16 51 ;
courriel : mmillet@ifrance.com
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