Défense de la langue française   
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Sus aux anglicismes !
Il est normal qu’une langue subisse les influences de ses voisines. En français, nous pouvons trouver des vocables italiens comme farniente ou dolce vita, des mots espagnols comme patio ou paella, des termes arabes comme couscous ou tajine, des mots allemands comme ersatz ou quartz, des mots néerlandais comme mannequin ou ruban. Il est donc normal aussi que l’on retrouve également des mots anglais en français comme week-end ou football.

Cependant, depuis une période récente, les mots anglais ont littéralement envahi notre langue, souvent en gardant leur orthographe et leur assonance d’origine, souvent aussi en remplaçant des mots français existants au point que cette abondance de mots anglais ne peut plus être considérée comme un évolution normale de notre langue, ce dont s’offusquait le célèbre écrivain et journaliste François Cavanna :
« [...] ce qui m’enrage et me plonge dans des désespoirs, c’est l’inondation, c’est l’avalanche, c’est l’emploi systématique et prétentieux [...] d’un arrogant baragouin américanisant, d’une enfilade de mots [...], piqués dans le contexte français comme gousses d’ail dans le gigot, mais en telle abondance qu’il n’y a que de l’ail et pour ainsi dire plus de gigot. » Certains lexicologues affirment que « l’intégration de nouveaux mots participe à l’évolution d’une langue » mais, si Clemenceau disait que la guerre est une chose trop grave pour la confier à des militaires, de même on pourrait ajouter que la langue est une chose trop sérieuse pour la confier aux lexicologues. L’intégration de nouveaux mots peut participer en effet tout aussi bien à l’appauvrissement d’une langue ou à son desséchement qu’à son enrichissement.

En effet qu’est-ce qu’une évolution sinon un processus lent, progressif et interne ? Or l’utilisation abusive des anglicismes s’avère être un phénomène brutal, massif et externe qui n’a rien d’une évolution, c’est une invasion qui ne dit pas son nom ! Et une invasion qui renvoie à l’attitude de subordination s’agissant de l’anglicisation de notre culture manifestée par de nombreux milieux, particulièrement les médias.

Par ailleurs, une évolution correspond normalement à une amélioration d’une espèce ou d’une fonction. Or la plupart du temps, ces anglicismes importés entraînent un affaiblissement, pour ne pas dire un étiolement, de notre langue. Prenons quelques exemples entendus à la télévision ou à la radio ; nous pouvons être souvent agacés et choqués par les commentaires journalistiques truffés d’anglicismes sans raison puisque ces anglicismes viennent la plupart du temps remplacer des mots français existants : pourquoi, en biathlon ou dans d’autres sports, employer constamment le vocable « mass-start » alors qu’en français il s’agit tout simplement de la course en ligne ; franchement la course en ligne, c’est un mot beaucoup plus signifiant et beaucoup plus dynamique qu’un groupe informe rassemblé au départ d’une course (la « mass-start » ou le départ groupé) ; quand on parle de course en ligne, on peut penser à une tentative d’échappée dans une étape du Tour de France ou à quelques Éthiopiens caracolant en tête d’une course à pied (et non de « running ») et, pour ce qui concerne le biathlon, rêver à un groupe d’athlètes patinant élégamment en file indienne chaloupée sur la neige d’un paysage tout blanc et ensoleillé. Or rien de tout cela ne se passe quand on entend parler de « mass-start », mot qui ne nous parle pas, qui n’a pas d’épaisseur puisque importé d’une sémantique externe, expression pourtant répétée mécaniquement par les commentateurs comme un vocable passe-partout (« mass-start » à la crème ?), illustrant une méconnaissance de notre si belle langue, pas seulement de notre langue d’ailleurs puisque le biathlon est une épreuve qui fut imposée par Pierre de Coubertin aux Jeux olympiques (comme le pentathlon moderne) pour perpétuer une tradition d’origine militaire. Celui-ci se retournerait probablement dans sa tombe s’il entendait parler de « massstart » pour cette compétition qu’on appelait alors la « Patrouille militaire ». Où est donc l’enrichissement sémantique de la « mass-start » (on pourrait multiplier les exemples) ?

Il y a encore bien d’autres vocables anglo-saxons qui pourraient être évités. Pourquoi parler à l’envi de « start-list » par exemple alors qu’il s’agit simplement de la liste de départ, ou encore pourquoi s’exclamer devant un beau « finish » quand on ferait mieux de parler d’un superbe final ? Pourquoi utiliser le mot « coach » à tout bout de champ (d’autant que le mot « coach » vient tout droit du vocabulaire de l’équitation française : coche, cocher) quand il serait plus précis et plus pertinent de parler d’entraîneur, de sélectionneur, de conseiller technique, de préparateur, d’instructeur, de moniteur, voire pour sortir du seul langage sportif : de guide ou de mentor, etc. ?
(À suivre.)
Alain Sulmon
Délégation du Gard

Un oeil sur les bêtes

À Bois-Guillaume, sur les hauteurs de Rouen, j’ai découvert un établissement que je ne connaissais pas, une clinique d’ophtalmologie vétérinaire. Poussé par la curiosité, je me suis dirigé vers la salle d’attente. La porte, surmontée d’un oeil-de-boeuf, s’ouvrait sur une grande salle très claire. Une grande quantité d’animaux attendait bien sagement la consultation de l’ophtalmovéto. J’entrepris la conversation avec les animaux présents (j’ai appris le langage animal avec le Dr Dolittle). Le premier, un serpent à lunettes, venait pour changer ses verres. Un lynx et un aigle, un peu âgés, se lamentaient d’une perte d’acuité visuelle fort préjudiciable à leur réputation et leur activité de prédateurs. Un lapin blanc voulait faire renouveler son ordonnance de carottes. Un crocodile, à moitié endormi et semblant bien inoffensif, me confia qu’il venait pour un desséchement des yeux. Un grand duc avait un problème très actuel. Le couvre-feu lié à la pandémie lui interdisait de sortir la nuit. Il souhaitait donc se faire fabriquer des lunettes de soleil pour chasser pendant le jour.
Dans le coin, un grand aquarium accueillait un saumon fort bavard (parmi les poissons, seules les carpes sont muettes). Il se cognait sans cesse aux parois. Il avait attrapé la cataracte au pied d’une chute lors de sa migration.
J’aurais bien voulu continuer ma conversation avec les autres animaux présents, mais l’ophtalmo-véto ouvrit la porte de son cabinet et, visiblement contrarié, m’interrogea sur ma présence ici. Un peu pris de court, je lui demandai bêtement s’il pouvait soigner mon oeilde- perdrix. Il me vira manu militari.
Marceau Déchamps
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