Défense de la langue française   
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Hashtag et QR Code
Ces deux termes quelque peu barbares ont envahi les réseaux sociaux et les communications sur internet (et pas seulement), mais d’où viennent-ils, que veulent-ils dire et surtout comment les remplacer en les « francisant » ?

Ce qui est étonnant, c’est surtout que nulle part il n’y a eu de contestation contre ces deux anglicismes qui se sont imposés sans que personne ou presque, à ma connaissance, les remette en cause.

C’est en 2007 qu’un employé de la firme Google (forcément !) a inventé le « hashtag » à partir du terme hash qui signifie « croisillon » en anglais et du vocable tag qui désigne une « étiquette ». Le mot composé « hashtag » a connu une telle célébrité avec une telle célérité qu’il s’est répandu aussi bien sur Twitter que sur Instagram, TikTok ou Facebook et que son emploi semble aller de soi alors qu’il s’agit d’une importation sémantique artificielle sans rapport aucun avec notre langue. Notez cependant que cet anglicisme, qui n’a rien à voir avec notre « dièse », lui ressemble étrangement alors que ce dernier se dit sharp en anglais.

Cette ressemblance visuelle avec le dièse pourrait facilement jouer en faveur d’une traduction simple et pratique ; en effet, pour traduire et adapter un terme étranger à notre langue, il faut trouver un mot (voire une expression) simple, court et qui respecte l’assonance, l’orthographe et la musicalité de la langue française. Malheureusement, les termes avancés par l’Administration, par exemple, sont trop souvent des périphrases alambiquées qui paraissent tout aussi incongrues que les anglicismes qu’elles sont censées remplacer. Si on veut franciser des anglicismes, il faut trouver des termes proches du langage courant.

On pourrait donc très bien parler du mot-dièse au lieu du « hashtag » : deux syllabes comme en anglais, la même concision, deux mots du vocabulaire commun, et une assonance qui respecte la musicalité de notre langue ; il y a, vous le voyez, une grande facilité à remplacer cet anglicisme incongru par un terme familier et donc facilement compréhensible. Mot-dièse, peu connu, existe déjà et il est d’ailleurs cité dans quelques rares publications dont Wikipédia sur internet.

On pourrait prendre un autre exemple avec le « QR Code » qui, lui aussi inventé par un employé d’une société informatique, signifie en anglais « Quick Response Code », soit en français « code à réponse rapide ». Là encore, par une passivité difficilement compréhensible, nous avons repris tel quel le sigle anglo-saxon sans même chercher à en trouver ou en inventer un correspondant français. Or ce « QR Code » se définit comme « un type de codes-barres à deux dimensions constitué de modules carrés noirs disposés dans un carré à fond blanc [ouf !] ». Il est pourtant commode, facile et presque évident de trouver son équivalent en français sans chercher bien loin : un « QR code », en se référant à sa définition plutôt complexe, pourrait être nommé tout simplement code carré ! Trois syllabes, la même concision et la même sobriété qu’en anglais, c’est carré ! Et, là encore, certains ont sans doute déjà dû y penser, sans suffisamment le diffuser malheureusement.

Pourtant mot-dièse et code carré seraient sans doute rapidement adoptés par la majorité des francophones s’ils étaient communément utilisés par les médias, la presse, les réseaux sociaux et dans nos échanges quotidiens. Il suffirait de le vouloir. Le voulons-nous ? Si oui, employons-les aussi souvent que possible, inondons les médias d’appels à rectifier ces anglicismes abusifs pour les remplacer par des mots bien français et, bientôt, ils deviendront aussi communs que le mot courriel qui, à son début, provoquait aussi un sourire de condescendance chez nos interlocuteurs anglomaniaques. Mais sourira bien qui sourira le dernier !
Alain Sulmon
Délégation du Gard

Les mots en famille

Le nombre dix, « mètre » du monde !

Quand le nombre dix rencontre l’histoire de la Révolution française...

La nuit du 4 août 1789 marque l’abolition des privilèges et de la dixme, ancienne orthographe de dîme. Ainsi, cet impôt prélevé par l’Église, qui taxait un revenu d’un dixième, est supprimé.

Dès 1792, la victoire de Valmy va décupler les forces des révolutionnaires. Parallèlement, la vie politique est laïcisée, plus question de dizaines de chapelet.

Le régime de la Terreur de 1793 à 1794 va décimer noblesse et prêtres réfractaires. Dans les évêchés, les doyens du chapitre ou dizeniers, du latin decanus, chargés de dix personnes à l’origine, ne seront pas plus épargnés, sauf peut-être au bénéfice de l’âge.

Encore faut-il ajouter que Robespierre, qui incarnait la Terreur, était né le 6 mai 1758, sous le signe du Taureau (deuxième décan).

Mais, bientôt, plus question de faire des pieds, des mains, ni de toiser les citoyens. Si l’on veut avoir les coudées franches, il vaut mieux utiliser ses dix doigts plutôt que son pouce, conformément au système décimal qui est instauré.

Pour diviser le temps, les révolutionnaires créent un nouveau calendrier sur la base de dix. Ainsi, dix jours feront une décade ; trois décades feront un mois. C’en est fini d’égrener les mois de l’année sur les os de la main pour savoir s’ils sont de trente ou trente et un jours ! Douze mois et cinq jours – ou six pour les années bissextiles – feront une année. Les jours fériés diminuent avec les décadis, « tous les dix jours », à la place du dimanche, tous les sept jours !

Quant à décembre qui était le dixième mois de l’année dans l’ancien calendrier romain commençant en mars, il disparaît dans les frimas de l’automne (frimaire) et la neige de l’hiver (nivôse). Ce calendrier révolutionnaire sera utilisé de 1793 à 1806, à peine plus d’une décennie ! Le 7 avril 1795, la Constituante adopte par décret le système métrique et monétaire décimal. Elle abroge toutefois la décimalisation des heures et des minutes, votée en 1793, qui fixait des heures de cent minutes et des minutes de cent secondes.

Le nombre dix devient alors le « mètre » mot de cette nouvelle mesure révolutionnaire qui va s’appliquer sur tout le territoire. Il n’y aura plus deux poids, deux mesures.

Au siècle précédent, le grammairien Vaugelas nous avait joué un mauvais tour en rejetant septante, octante, nonante, décrétant que ce n’était pas français ! Il préférait privilégier soixante-dix, quatre-vingts et quatre-vingt-dix qui relèvent du système vicésimal ou vigésimal !

Les révolutionnaires n’ont pas pris conscience que ce système sur la base vingt n’était plus décimal et se référait à nos dix doigts de mains et dix doigts de pieds !

Sur cette base, on utilisait un système additionnel : vingt dix pour trente (20 +10 = 30) ; deux vingts pour quarante ; deux vingt dix pour cinquante (20 + 20 + 10 = 50) ; trois vingts pour soixante ; trois vingt dix pour soixante-dix (20 + 20 + 20 +10 = 70) ; quatre vingts ; quatre vingt dix (20 + 20 + 20 + 20 +10 = 90), sans trait d’union.

Enfin, si la belote avait existé, nul doute que les révolutionnaires auraient inventé le dix de der !

Après tout cela, vous prendrez bien un déca !
Philippe Le Pape
Délégation de Touraine
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