Défense de la langue française
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DLF, n° 255
N’ayons pas honte d’être nuls de Jean-Joseph Julaud,
Éditions First, « Pour les Nuls », réédition 2014, 778 p., 22,95 €.
Avec Jean-Joseph Julaud, on n’a pas honte d’être
nul, tant c’est un bonheur de feuilleter ce gros
volume noir et jaune* tout sauf rébarbatif, dix siècles
de littérature, avec encadrés, illustrations, anecdotes,
tableaux récapitulatifs et même, pour ceux qui
commencent par la fin, dix incipit de romans pour
mettre à l’épreuve nos connaissances (les réponses
sont fournies en fin de chapitre si on a oublié le
début de La Chartreuse de Parme ou des Mémoires
d’outre-tombe).
Mais comment s’y prendre pour attaquer ce monument ? Méthode très
studieuse pour celui qui se croit vraiment nul : étudier chaque chapitre
chronologiquement, se plonger d’abord dans le Moyen Âge, découvrir que
c’est très abordable et souvent exaltant ; traverser le XVIe siècle, décider de
lire Montaigne, puis se plonger dans les délices de la pensée classique,
s’arrêter longuement au siècle des Lumières et continuer ainsi jusqu’au
XXIe siècle. Entreprise de longue haleine, ardue mais enthousiasmante.
Cependant, ce n’est pas le but de l’auteur, qui ne cherche pas à impressionner
le lecteur sous une masse d’érudition, et le traite plutôt comme un
invité auquel il offre une promenade pleine de découvertes et de poésie.
Au fil des pages, on relit avec délice quelques vers de Racine, on revoit
les morales de La Fontaine et on revisite Victor Hugo, une mine pour les
dissertations ; ainsi, cette phrase à méditer extraite des Contemplations : « Les
mots sont les passants mystérieux de l’âme ».
Et pourquoi ne pas s’arrêter chez un auteur admiré mais redouté pour
son hermétisme, Mallarmé ? Oui, un poème et le commentaire qui suit
rassurent. Nous pouvons nous laisser aller à la magie du verbe. Le continent
proustien sera abordé avec sérénité, car on y trouve quelques clés de lecture
pour affronter la cathédrale du Temps et les 200 personnages qui la traversent.
Et, à partir de là, on aura envie de s’immerger dans l’oeuvre elle-même.
Car la présentation des auteurs et des oeuvres dans cette somme de la
littérature française est composée avec un ingrédient rare : un fluide magique
qui conduit le lecteur à se sentir très vite affamé de lecture. Jean-Joseph
Julaud nous présente des plats délectables que nous désirons déguster très
vite. Par exemple, les retrouvailles avec un vieil ami, le Jean-Christophe de
Romain Rolland, les deux frères Thibault et leur époque pas si lointaine.
Et aussi Gide et Les Nourritures terrestres dont nous ressentons l’impérieux
besoin, Camus dont L’Étranger ne cesse de nous questionner. Julien Gracq,
avec Le Rivage des Syrtes, nous introduit à notre siècle avec une ville
mystérieuse, Orsenna. Énigme des noms propres, Orsenna deviendra le
pseudonyme choisi plus tard par l’écrivain Erik Arnoult, déjà un classique,
qui nous conduit à son tour dans son territoire où habitent Les Chevaliers
du subjonctif, où les Accents se révoltent...
Notre encore jeune XXIe siècle invite à une frénésie de lecture, sans la
moindre directive autoritaire. Nous ne sommes pas sous l’oeil sévère du
maître d’école, la littérature est variée dans ses formes, « il faut faire confiance
aux nouveaux talents », les romans à très grand tirage, c’est « une autre idée
de la lecture ».
Parcourons alors les rayons de la librairie, par ordre alphabétique, certains
auteurs sont « indispensables », en passant, Alice Ferney, « féminité, maternité »,
lit-on avec Cherchez la femme. Jean-Christophe Rufin et son tour du monde
à la fois historique et contemporain, d’Henri II tentant la conquête du Brésil
au surgissement d’Al Qaida. Tous nos écrivains figurent ici, sans oublier
ceux de la francophonie. À nous maintenant d’aborder en toute liberté, de
dévorer avec bonheur ces auteurs que Jean-Joseph Julaud nous a présentés
avec élégance et amour.
Monika Romani
L’ABEILLE ET SON MIEL, de Frédéric Tiphagne
Honoré Champion, « Champion les mots », nombreuses illustrations, 2014, 138 p., 9,90 €
Notre ami Jean Pruvost a su trouver l’auteur le plus apte à nous présenter cette « fille
du ciel », généreuse en « manne céleste » qu’est l’abeille, honorée par Napoléon,
chantée par Maeterlinck. Jamais vous n’auriez imaginé en apprendre tant sur elle,
du chapitre I, « Butinage étymologique », au chapitre VII, « L’abeille et son miel
retrouvés ». Mais butinons simplement dans le chapitre V, « Un essaim de proverbes,
dictons, expressions, une ruchée de citations » : « Mieux vaut une seule mouche à
miel que cent bourdons sans miel. » – « Quand il pleut en août, il pleut miel et bon moût. » – « Une
parole emmiellée. » – « Lécher le miel sur l’épine. » – « Dans la lumière vermeille / Bourdonne un
essaim joyeux, / Aux fleurs des sillons l’abeille / Prend son miel délicieux. » (H. Murger, 1861.) Et
puis, ce définitif : « Si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que
quatre années à vivre. Plus de pollinisation, plus d’herbe, plus d’animaux, plus d’hommes. » De qui ?1
Index. Bibliographie. Nicole Vallée
1.
Albert Einstein [citation apocryphe].
APRÈS MOI, LE DÉLUGE. PETIT DICTIONNAIRE D’EXPRESSIONS BIBLIQUES, d’Agnès Pierron
Éditions du Cerf, 2014, 322 p., 14 €
Cette première citation, vous la connaissez, vous l’avez sûrement utilisée. Mais
l’auteur nous en fait découvrir beaucoup d’autres, d’un usage moins courant. Nous
avons naturellement droit à leur histoire, donc à une foule d’anecdotes. Nous allons
aussi trouver de nombreux mots familiers dont les relations avec la Bible sont rien
moins qu’évidentes. Par exemple, abomination (de la désolation) ; baptême (du grec
« immersion ») ; charisme (du grec, « don gracieux ») ; exode (la sortie d’Égypte des Hébreux) ;
pinacle (le faîte du Temple de Jérusalem) ; vaches (grasses et maigres)... Et les petites énigmes que
vous aimez tant. Que signifie : l’empreinte de l’ange ?1 Mané Thécel, Pharès2 ? Comme un grain de sénevé3 ? Dire des patenôtres4 ? Index.
Nicole Vallée
1. Le dessus de la lèvre supérieure. 2. Compté, pesé, divisé. 3. Comparaison liée à une chose amenée à croître. 4. Marmonner machinalement une prière (des Pater Noster).
LA LANGUE FRANCAISE CHEF-D’OEUVRE EN PÉRIL, de Paul-André Maur
Via Romana, 2014, 152 p., 16 €
Paul-André Maur, qui a déjà, chez le même éditeur, publié Main basse sur la langue
française, revient sur un sujet qui lui est cher. Notre langue est menacée. Mais
comment ? Cet ouvrage particulièrement dense est un diagnostic. L’auteur le
prononce avec franchise. Les Québécois diraient : « Il ne dit pas les choses à travers
son chapeau ! » Les causes de la dégradation du français sont multiples : elles
s’appellent « subversion du langage », « avilissement des messages publicitaires », « invasion
du vocabulaire importé », élèves privés de formation classique, révolution dans l’Église et éradication
du latin dans les séminaires, enseignants non plus chargés de la transmission du savoir, mais de
normes sociales, pour aboutir à « une éducation de la liberté ». Quand une révolution se déclare, c’est qu’elle est faite : « La crise a éclaté en 1968, mais les idéologues étaient depuis longtemps au travail. » Foin
de la discipline de l’effort et des exercices de mémoire ! Snobisme et veulerie ! Inutile de nommer
les responsables. Ils sont depuis longtemps connus... Peut-être faudrait-il, s’il n’est pas trop tard,
saisir les atouts offerts par la francophonie. Il serait temps que les Français retrouvent l’amour
d’eux-mêmes, l’amour et la connaissance de leur langue, indispensables pour en apprendre d’autres.
De l’onomastique chinoise aux conventions internationales relatives à l’état civil, cet examen
minutieux de notre situation linguistique ne laisse rien au hasard.
Dans leur excellente collection « Le goût des mots », dirigée par Philippe Delerm, les éditions
Points nous proposent, pour 6,70 €, deux études à la fois instructives et fort divertissantes.
Jacques Dhaussy
LES MOTS ONT UN SEXE, de Marina Yaguello (188 p.)
Une éminente linguiste se demande si le français ne serait pas machiste. Pourquoi
la « vertu » est-elle mérite chez l’homme, tandis que les femmes la perdent ou l’ont
petite ? Pourquoi certains mots comme orateur, syndic, agent, n’ont-ils pas de féminins ?
Pourquoi les suffixes -asse et -esse s’appliquent-ils péjorativement pour féminiser
certains mots : pouffiasse, bougresse ? Nos doctes académiciens ont-ils raison de renâcler
à accepter auteure, professeure, ingénieure, quand prieure existe depuis des siècles ? Et
quid du «chameau », symbole de la « vacherie » féminine ? Mais assez de misogynie,
mes soeurs. Bien des mots et expressions français ne ménagent pas plus nos compagnons : brute,
crapule, bougre d’animal, drôle de zèbre, faire le zouave... La cause est-elle entendue ? Vingt partout !
Bibliographie et sites internet.
Nicole Vallée
CHIENNE DE LANGUE FRANÇAISE, de Fabian Bouleau (192 p.)
Que voici une jolie et amoureuse anthologie de certaines étrangetés et bizarreries
certaines de notre langue. Pluriels en s ou en x, ou bien mots invariables ; épithètes
avant ou après : fol espoir, espoir fou ; sale histoire, histoire sale ; quand utiliser ça (ou
çà) et cela ? Et les conjugaisons ridicules : sussiez, amputasse, trébuchâtes ; quand le e
est-il muet et quand est-il vigoureusement prononcé ? Et l’ambiguïté des verbes
pronominaux : nous nous aimons, l’un l’autre, ou nous-mêmes ? Et notre maladroite
numération, notre hallucinant quatre-vingt-dix ? Pour tous les goûts et dégoûts il y a.
Bref, citation de l’auteur : « Le français est une langue à lacunes, sans imagination, souvent ridicule,
bourgeoise ou bohème, rarement naturelle, aime la complication, est sexiste, bref barjo ! » Bibliographie,
sitographie, discographie.
Nicole Vallée
LES MOTS DE L’ÉPOQUE. 100 TICS, TROUVAILLES ET AUTRES EXTRAVAGANCES DU LANGAGE QUOTIDIEN de Didier Pourquery
Éditions Autrement - Le Monde, 2014, 224 p., 15 €
Et si nous extravaguions maintenant, car nous ne sommes pas « empêchés », que
nous avons le « swag » et que, pour nous, rien n’est « clivant » ? Les gros tics, les
mots d’humeur, les gros mots de la politique, ceux des vacances et ceux du bureau,
les « à la mode » et ceux qui sont là pour d’autres... Waouh, J’avoue, Bougisme, Souci
(pas de), Grave, Impacter... La bonne centaine de mots, recueillis par un observateur
sagace et plein d’humour, qui les décortique pour notre plus grand plaisir et... gentillesse à l’égard
de tous ces bâtards farfelus qui... car ce n’est pas nous qui utilisons ce jargon. Ah mais non !
Nicole Vallée
LES EXPRESSIONS LES PLUS EXTRAVAGANTES DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Catherine Mory, illustrations de Tiphaine Desmoulière
Larousse, 2014, 192 p., 12,90 €
Proférer avec le plus grand sérieux des aphorismes, dictons, maximes, plus biscornus
les uns que les autres, à la surprise amusée et un brin condescendante de vos
interlocuteurs, n’est-il pas source d’une certaine jouissance et d’une jouissance
certaine ? Surtout quand c’est le très sérieux et vénérable Monsieur Larousse qui
vous invite à extravaguer de la sorte. Il y a près de 200 expressions assorties
d’anecdotes : des historiques, des citations d’auteurs plus ou moins célèbres, des comparaisons avec
d’autres pays. Êtes-vous vraiment « fier comme un pou » ?1 Comment faire pour « consoler le café » du
matin ? 2 Il nous arrive d’avoir « un chat dans la gorge », à savoir un grumeau. Mais qu’a un Alsacien ?
et un Anglais ?3 À qui doit-on : « Avaler des couleuvres », donc accepter les humiliations ?4 Les
charmantes illustrations ajoutent à la cocasserie du texte. Index. Nicole Vallée
1. Certes, comme un pouil, jeune coq en vieux français. 2. Ajoutez-y un peu de gnôle. 3. Un crapaud,
une grenouille. 4. Chateaubriand.
Signalons aussi :
- 365 MOTS DE L'AMOUR ET DE L'AMITIÉ EXPLIQUÉS, de Paul Desalmand et Yves Stalloni (Chêne, 2015, 288 p.,
15, 90 €).
- AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE VERBE... ENSUITE VINT L’ORTHOGRAPHE, de Bernard Fripiat (La Librairie Vuibert, 2015,
232 p., 15, 90 €).
* * *
- LA LANGUE FRANÇAISE : UNE ARME D’ÉQUILIBRE DE LA MONDIALISATION, d’Yves Montenay et Damien Soupart (Les
Belles Lettres, 2015, 350 p., 25 €).
- LA PONCTUATION EN FRANÇAIS, de Jacques Dürrenmatt (Ophrys, 2015, 128 p., 18 €).
- DONNER DE LA CONFITURE AUX COCHONS, de Jean Maillet (L’Opportun, 2015, 336 p., 7,50 €).
- PETIT DICO DES CHANGEMENTS ORTHOGRAPHIQUES RÉCENTS, de Camille Martinez (Zeugmo éditions, 2015,
144 p., 10 €).
- COMPLÈTEMENT IDIOME, de Maria Grazzini (Omnibus, « Humour », 2015, 208 p., 10 €).
- ORTHOGRAPHE EN POCHE. LES POINTS CLÉS DES PRINCIPALES RÈGLES D’ORTHOGRAPHE POUR ÉCRIRE SANS FAUTES, de
Roselyne Kadyss et Aline Nishimata (Gualino - Lextenso éditions, 2014, 48 p., 4,80 €).
- GRAMMAIRE FRANÇAISE DE L’ÉTUDIANT EN 60 FICHES ET QCM, de Frédéric Torterat (Ellipses, « Optimum »,,
2014, 448 p., 21,50 €).
- Aux éditions Larousse, 2014 (288 p., 20,90 €) :
• LOGOGRIPHES ! LE GRAND LIVRE DES CASSE-TÊTE ET CHAUSSE-TRAPES LEXICAUX, de Daniel Berlion et Yves Lamy ;
• LOGICOMANIAC! LE GRAND LIVRE DES DÉFIS LOGIQUES ET MATHÉMATIQUES, de Jack et Florence Guichard.
- LES CHEVEUX-VAPEUR DU COIFFEUR. PETIT PRÉCIS DES MOTS COMMUNS SUBLIMÉS PAR LES ÉCRIVAINS, de Véronique Jacob,
illustrations de Marie Assénat (Folio, 2014, 198 p., 7,40 €).
- DICTIONNAIRE ADOS-FRANÇAIS, de Stéphane Ribeiro (Éditions First, 2014, 512 p., 15 €).
- LES MOTS D'AUJOURD'HUI ET DE DEMAIN, de Gilles Guilleron (Éditions First, 2014, 300 p., 19,95 €).
- LE BLEU. DICTIONNAIRE DE LA COULEUR, MOTS ET EXPRESSIONS D'AUJOURD'HUI, XXE-XXIE, d’Annie Mollard-Desfour,
préface de Michel Pastoureau, épilogue de Jean-Michel Maulpoix (CNRS Éditions, 2013, 312 p., 30 €).
Nos adhérents publient
- Yves Quemener nous a fait
parvenir une tragédie en
cinq actes et en alexandrins
de son fils Erwan : Sophonisbe.
Cette Carthaginoise est
l’épouse du roi de Numidie,
Syphax. Ils affronteront les
Romains en 204 av. J.-C. Le
roi fait prisonnier, la reine devra choisir son destin...
(Éditions Persée, 116 p.,
11,70 €).
- Deux nouveaux adhérents :
• Philippe Meyrignac est
l’auteur d’une biographie
romancée de Charles-Marie
de La Condamine, entrant à
l’Académie française en
1761 avec un discours sur
l’ « Universalité de la langue
française » : Le Papillon vert
(EHJ, 2014, 412 p., 22,45 €).
• Yves Blanc, qui se dit
« fabuliste lafontainien »,
pourfend l’anglomanie dans
Fables et réalités, des bords de
Saône aux abords du Sahara
(Déal, 2013).
- Bernard Fripiat explique et
instruit en amusant. Il nous
offre donc un nouveau
sketch sur orthogaffe.com :
« Mademoiselle Bingault
enseigne les participes passés
à un client breton ».
- Rolf Massin publie, chez
Schöningh, Vingt athlètes à
Narbonne, sur les jumelages
européens (version française
en préparation). Les
premiers chapitres traitent
des dialogues entre Français
et Allemands lors des
échanges de ces jeunes
athlètes dont l’auteur a fait
partie. À noter qu’il cite DLF
au chapitre 12.
- Michel Mourlet, dans l’un
des chapitres d’André
Fraigneau ou l’élégance du
phénix (Séguier, 2015,
232 p., 21 €), nous parle de
sa rencontre avec cet écrivain
(1905-1989) méconnu
du grand public et pourtant
l’un des plus marquants du
XXe siècle. Préface de Michel
Déon.
- Christian Watine, dans
Nénuphar (n° 77) relève le
trop fréquent pléonasme
syntaxique de et dont (« C’est
de Laurent dont il s’agit », au
lieu de C’est de Laurent
qu’il s’agit).
- Art et poésie de Touraine
(n° 219) publie trois jolis
poèmes de Guy Péricart.
- Christian Massé vient de
publier Le Temps numérique
(Éditions Antya, 20 €),
anthologie de chroniques
littéraires.
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