Défense de la langue française
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DLF, n° 261
EXPRESSIONS FRANÇAISES EXPLIQUÉES de Paul Desalmand et Yves Stalloni
Chêne, « Les nuances du français », 2016, 256 p., 9,90 €
Quel est le seul critère de notre authentique connaissance du français ?
La capacité d’énoncer et de comprendre ces innombrables locutions,
souvent intraduisibles, qui marquent l’esprit d’un peuple et lui
confèrent un sentiment d’appartenance nationale.
Paul Desalmand et Yves Stalloni nous offrent plus de 200 tournures idiomatiques
accompagnées de leur origine et de leur sens parfois énigmatique. Certaines sont
directement issues du terroir, comme la métaphore « partir en eau de boudin », qui se réfère
sûrement à la cérémonie dite « du cochon ». Mais faut-il avoir vécu à la campagne pour
comprendre ce qu’est « le coup de pied de l’âne » ? Non, car la réponse se trouve chez le
poète latin Phèdre, dont les auteurs nous rapportent la fable. Certes, l’Antiquité est riche
en tournures que nous avons adoptées. Ainsi de cette « victoire à la Pyrrhus », dont on ne
sait ni s’il s’agit vraiment d’une victoire ni qui était Pyrrhus, car ils furent nombreux les
rois qui portèrent ce nom! Énigmatiques aussi ces « Gémonies » auxquelles ont été « voués »
tant d’hommes politiques ; l’explication est à chercher dans ce terrible « escalier des
Gémonies », à Rome, tout près du Tibre.
De même, l’étrange « lit de Procuste », objet mobilier d’un personnage peu recommandable
de la mythologie grecque, qui se trouve pourtant utilisé au XXIe siècle lorsqu’il s’agit
d’opérations de normalisation et de règlement administratif... Quant à « la flèche du
Parthe », elle appartient à notre patrimoine culturel et pas seulement aux cavaliers de
l’ « archerie montée ».
Les auteurs font aussi la part belle à la créativité, au surgissement spontané de formes
inclassables. Par exemple, ce TDC ou « tombé du camion » ou encore « tombéducamion ».
Quelle est la part du commerce dans ce sigle ? Et le « seum », tout droit arrivé de banlieue,
dont l’étymologie pourrait provenir de l’arabe semn, qui signifie « venin ». Proféré par
les très jeunes, de tous milieux, y compris les « bourges », il désigne un gros mal-être ;
« on a le seum » comme « on a la rage ».
Toujours dans un registre très actuel, « on ne va pas chercher des poils aux oeufs » mais
seulement « éviter de se faire prendre par la patrouille ».
Le mieux à faire est de « toucher sa bille », Le Petit Robert l’a recueilli dans ses pages, mais
la langue vivante n’a pas dit son dernier mot !
Monika Romani
LA PURISTE, de Catherine Choupin
Éditions Librinova, 2015, 206 p., 2,99 €
Quand une agrégée de lettres classiques se mêle d’écrire un (très bon) roman policier,
quelles plus terribles monstruosités présenter à ses lecteurs horrifiés que les attentats
contre la douce, la merveilleuse, l’innocente langue française ? Ces attentats ne sont-ils
pas des crimes ? Ne faut-il pas les prévenir à tout prix ? Par d’autres crimes peut-être...
et voilà que pas moins de neuf professeurs de lettres ou de philosophie de prestigieuses
classes préparatoires parisiennes décèdent brutalement les uns après les autres ! Le commissaire
Chardon aura fort à faire pour confondre un ange justicier, à l’égard duquel il ne peut s’empêcher
(tout comme nous) d’éprouver quelque sympathie...
Nicole Vallée
DONNER SA LANGUE AU CHAT. ET AUTRES EXPRESSIONS FÉLINES, de Jean-Pierre Colignon,
Éditions First, 2016, 160 p., 2,99 €
Dans ce micro-volume, notre ami Jean-Pierre Colignon est parvenu à réunir
cent cinquante expressions dont le chat est l’acteur principal. Avec son air tour à tour
confiant, indifférent, satisfait, méprisant, endormi ou égoïstement installé, le félin ronronne d’aise
quand il est nourri, libre de se promener ou de hanter tranquillement les coussins du salon. Il est
aussi capable de montrer ses griffes et de s’en servir. « S’il est inutile de gronder le chat quand le
fromage est mangé », soyez assuré que « tous les moineaux périraient si le chat avait des ailes ». Belle
étude psychologique de ce quadrupède qui retombe toujours sur ses pattes et qui se déplace en
silence sauf quand il vient demander sa pitance ! Chat vit rôt, chat mit patte à rôt. Plaisir des mots !
Regardez-le avec les yeux de Léonard de Vinci, vous verrez, c’est une oeuvre d’art. Pourtant, il vaut
mieux s’en méfier et, avec Alexandre Vialatte, penser que cette boule de poils taiseuse, cette petite
âme ombrageuse peut vite devenir « une sale bestiole ». Colette n’est sans doute pas d’accord, qui
voit dans sa fréquentation une source d’enrichissement. D’expression en expression, le petit matou
vous emmène faire une jolie promenade littéraire.
Jacques Dhaussy
CAHIER DE GRIBOUILLAGES. LANGUE FRANÇAISE ET ORTHOGRAPHE, de Jean-Pierre Colignon
Éditions Contre-dires, 2016, 160 p., 13,90 €
Ce cahier au format familier concocté par Jean-Pierre Colignon se présente tout
taché, comme si l’on avait fait ses devoirs sur la table de la cuisine ! Mais il renferme
entre ses pages maints précieux secrets d’une langue totalement maîtrisée oralement
et à l’écrit. Des questions souvent pointues, parfois sous forme de QCM (mais
possibilité de se référer au corrigé) d’orthographe, de grammaire et de vocabulaire.
Les exercices proposés ne requièrent pas tous le même niveau de compétence. Ainsi, ceux qui
auront « gribouillé » facilement pourront passer à la vitesse supérieure et s’intéresser, par exemple,
aux périphrases (la folle du logis ?), définir les nouveaux arrivés du dictionnaire (hydroponie, Mox ?),
déchiffrer rapidement quelques dingbats, voire s’initier à la cryptographie.
Monika Romani
LES ESGOURDES DU TOUBIB, du docteur Jean-François Hutin
Éditions Glyphes, 2016, 230 p., 18 €
Ah, la réjouissante lecture ! Malgré son nom, qui signifiait, au XVe siècle, « querelleur et
batailleur », notre bon toubib a cherché à nous amuser (excellent pour la santé) avec
le savoureux argot du carabin de ses jeunes années. Que les pudibonds se calment...
Bien sûr, certaines appellations dans le domaine anatomique, ou celui des fonctions
« naturelles », peuvent les choquer, mais avec une telle imagination, une telle fantaisie... Ainsi de l’abbaye de clunis ou du gaillard d’arrière du bocal, des jumelles... pour les fesses ; se sucrer la
gaufre signifie « se maquiller » ; débrider la margoulette, se caler les amygdales, avoir la glotte qui baigne,
c’est « bien manger » ; bouder le mastic, enfiler des briques, le contraire. Nous vous souhaitons, Messieurs,
de ne pas vous dégazonner, ni avoir le genou dans le cou, voire en emprunter un qui vaut dix... Et à vous,
jeunes dames, que tout se passe au mieux quand vous vous déballonnerez, momignarderez ou décrocherez
votre lardon... Sources bibliographiques. Index. Vingt illustrations fort bien choisies.
Nicole Vallée
100 ANGLICISMES À NE PLUS JAMAIS UTILISER. C’EST TELLEMENT MIEUX EN FRANÇAIS de Jean Maillet
Éditions Le Figaro littéraire en collaboration avec les Éditions de l’Opportun, 2016, 160 p., 9,90 €
Que cette ferme injonction est propre à satisfaire nos « Déèlèfiens » passés, présents
et à venir ! Elle est due à un éminent linguiste, « lanceur d’alerte » contre l’angloaméricanisation
de notre langue, dont il sait aussi nous livrer les plus plaisantes expressions… quand
il ne se divertit pas en jouant de son violon baroque... D’Addict à Win Win, en passant par Hashtag
(ne dirait-on pas un jappement ?), News, Relouquer, Single. Tous ces fâcheux et intempestifs anglicismes
sont soigneusement étudiés, disséqués, ont leur origine, souvent française, dévoilée, non sans être
pimentés de savoureuses anecdotes. Compterez-vous parmi les privilégiés, ou les « happy few »
(expression introduite par... Stendhal) à suivre ces pertinents conseils ?
Nicole Vallée
L’ANTI-FAUTES D’ORTHOGRAPHE 100 % ILLUSTRÉ. Collectif, illustrations de Jean-Yves Grall
Larousse, 2016, 256 p., 9,95 €
L’Académie et les meilleurs auteurs seraient favorables à une réforme de notre
orthographe ? Larousse ne va pas se priver pour autant de nous proposer 120 astuces
pour nous éviter les fautes. Quelques-uns des 150 mots de cet ouvrage tiennent certes
compte des simplifications proposées en 1990 (traits d’union, accents, pluriels des
mots composés), mais l’orthographe ancienne prime car la nouvelle n’est pas encore – et de loin –
entrée en usage. « On s’est assis sur un banc, avant de publier les bans. » « Il atterrit sur ses deux jambes
(et ses deux pieds). » « Un homme de cet acabit mérite un bel habit. » Moyen mnémotechnique, image
amusante et jolie, abattre et voûte, isthme et jeûne, oignon et taon... L’orthographe ? Un vrai plaisir,
annonce la préface...
Nicole Vallée
LES EXPRESSIONS GRECQUES ET LATINES, de Marie-Dominique Porée-Rongier
Éditions First , « Le Petit Livre », 2015, 160 p., 2,99 €
Entré de plain-pied dans l’ère du numérique, l’homme du XXIe siècle aurait-il peur de
reconnaître ses racines ? Peut-être les leçons de latin et de grec n’ont-elles pas été bien
assimilées ? Pas du tout, répond Marie-Dominique Porée-Rongier, professeur agrégée en classe de
lettres supérieures, qui démontre que les pseudo-langues mortes vivent une deuxième vie dans
notre parler quotidien, tout émaillé de mots, d’expressions et de proverbes issus de l’Antiquité.
L’auteur les a classés en ordre alphabétique, avec leur contexte historique et quelques bienvenus
rappels de grammaire. L’ensemble est à la fois instructif et ludique. À nous de vérifier si nous
sommes toujours assurés de leur sens !
Pour commencer, questions faciles : que signifie ce noos de notre adresse électronique ? Quel modus
operandi choisir pour rédiger un curriculum vitae ? Mais saurions-nous identifier un sybarite, un
sardanapale, ou seulement un cynique ou un stoïcien ? Pourquoi faudrait-il se renseigner avant
d’appeler sa fille Cassandre, Pandore, Pénélope ou Messaline ? Et son fils Apollon, Hercule ou Crésus ?
Est-on de taille à nettoyer les écuries d’Augias ou remettrons-nous tout aux calendes grecques ? Il faut cependant être capable de trancher le noeud gordien, sauf à passer sous les fourches Caudines de
l’adversaire, après qu’il nous a décoché la flèche du Parthe. Le retour aux Anciens, même parsemé de
quelques difficultés, n’en sera que plus enrichissant.
Monika Romani
LE THÉ, QUI DÉSENIVRE ET FORTIFIE LA RAISON, de Frédéric Tiphagne, préface de Thierry Clermont
Honoré Champion, « Champion les mots », 2015, 144 p., 9,90 €
Voici un petit livre sur le thé qui nous rappelle ses origines légendaires, ses vertus
médicinales et stimulantes, sa place dans les échanges commerciaux entre l’Asie et le
reste du monde, ses multiples références littéraires, son usage dans la haute société
depuis les réunions mondaines du Siècle des lumières jusqu’aux cérémonies japonaises
pratiquées comme des cultes. On y trouve la légende du Bouddha, « l’éveillé », se tranchant les
paupières pour se punir de son endormissement et les enterrant, donnant ainsi naissance à un
arbrisseau aux feuilles stimulantes. On retrouve Proust et sa madeleine, et on termine avec une
citation du Japonais Okakura Kazuko : « L’humanité s’est toujours retrouvée autour d’une tasse de thé...
seul rituel asiatique qui emporte l’adhésion universelle. »
Bénédicte Katlama
LES MOTS FONT LE JOB. NOUVEAU LEXIQUE DU MONDE DU TRAVAIL de Pierre Jullien, préface de Jean-Pierre Colignon
Lemieux éditeur, 2016, 172 p., 12 €
Eh bien oui, notre Colignon accorde son blanc-seing à un ouvrage qui ose nous parler
de deadline, brainstorming, hashtag, pitch, des anglicismes d’usage représentant quand
même 2,5 % de notre vocabulaire... Alors, ne fallait-il pas nous briefer ? Mais l’auteur ne s’en tient
pas là. Il nous renseigne sur l’étymologie et les nouveaux sens dans les bureaux (voir ce mot) de
termes bien de chez nous mais utilisés autrement, tels dégage, tablette, convergence, transparent,
négligence, remerciement... Alors, faites-vous plaisir, et, sans attendre le burn-out (qui fait suer le burnous),
procurez-vous ce précieux vade-mecum (et vive les latinistes !). Abondante bibliographie.
Nicole Vallée
Signalons aussi :
- CONJUGUER SANS FAUTES, de Jean-Joseph Julaud (First, « Pour les Nuls » 2016, 176 p., 6,95 €).
* * *
- 101 DICTÉES : 2 500 DIFFICULTÉS EXPLIQUÉES, de Bruno Dewaele, préface de Bernard Pivot (Éditions de
l'Opportun, 2016, 688 p., 19 €).
- LES 100 FAUTES QUE LES RECRUTEURS NE VEULENT PLUS VOIR (CERTIF. VOLTAIRE), d’Aurore Ponsonnet
et de Christelle Martin-Lacroux (Hachette, « Bled supérieur », 2016, 256 p., 13,95 € ; liseuse : 11,99 €).
- AU SECOURS ! LES MOTS M’ONT MANGÉ, de Bernard Pivot (Allary Éditions, 2016, 104 p., 18,90 €).
- DICTIONNAIRE DES MOTS MANQUANTS, dirigé par Belinda Cannone et Christian Doumet (Éditions Thierry
Marchaisse, 2016, 214 p., 16,90 €).
- LE LEXIQUE CULINAIRE DE FERRANDI, de Kilien Stengel (Hachette cuisine, 2016, 356 p., 19,90 €).
- « QUE VOTRE MOUSTACHE POUSSE COMME LA BROUSSAILLE ». EXPRESSION DES PEUPLES, GÉNIE DES LANGUES,
de Muriel Gilbert (Ateliers Henry Dougier, 2016, 144 pages, 14,90 €).
- Aux Éditions Larousse :
- PETIT DICTIONNAIRE INSOLITE DES MOTS ET EXPRESSIONS DU SPORT, de Daniel Berlion (2016, 128 p., 5 €).
- LE POURQUOI ET LE COMMENT DES EXPRESSIONS FRANÇAISES. PETIT INVENTAIRE INSOLITE POUR LES AMOUREUX
DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Delphine Gaston-Sloan (2016, 512 p., 14,95 €).
- EXPRESSIONS ET MOTS SAVOUREUX DE LA FRANCOPHONIE, de Bernard Cerquiglini (à paraître).
- PETIT DICTIONNAIRE AMUSANT DES MOTS DE NOS RÉGIONS, de Loïc Depecker (à paraître).
Nos adhérents publient
- Dans l’excellente revue
LCFF (juin 2016), destinée
aux francophiles francophones,
Jean-Claude Amboise
(« Chanter en français et
rencontrer un succès international
est -il possible ?»)
s’est demandé comment, à
l’Eurovision 2016, avaient
été reçues deux chansons :
celle de la candidate autrichienne,
intégralement en
français, et celle du candidat
franco-israélien, en version
bilingue français et anglais.
- Le Nénuphar (n° 83) nous
propose un article de
Christian Watine, « Un mot
pour un autre, ou Tardieu
copié », ainsi qu’une intéressante
biographie d’Étienne
Dolet (1509-1546), qui a
oeuvré pour la langue
française. Il fut brûlé avec ses
ouvrages sur le bûcher des
imprimeurs.
- Jean-Pierre Colignon rassemble
– avec leur solution –
cent de ses grilles drôles et
astucieuses, parfois inédites,
concoctées pour Lire : Les
Mots croisés (Le Robert,
130 p., 9,99 €).
- André Cherpillod écrit et
édite Alphabets du monde
(Édition La Blanchetière,
72320 Courgenard, 2016,
98 p., 6 €). On voyage de
l’alphabet latin (et ses
descendants) à celui des
Inuits, sans oublier les
alphabets techniques :
braille et morse. Il y en a
cinquante, tous plus
intéressants les uns que les
autres. Un puits de
connaissance et d’érudition.
- Cécilia Suzzoni, fondatrice
et présidente d’honneur
d’ALLE (Association le latin
dans les littératures européennes),
nous signale la
parution de l’ouvrage
collectif Le Bon Air latin
(Fayard - Mille et Une Nuits,
2016, 360 p., 22 € et version
numérique 15,99 €).
- Joël Conte nous a offert
Europoésie, année 2015
(Éditions Thierry Sajat,
2016, 206 p., 15 €). Ce
recueil – consultable au
secrétariat de DLF –
rassemble les textes des
participants au concours
organisé en partenariat avec
l’association Terpsichore.
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