Défense de la langue française   
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris • 01 42 65 08 87 • dlf.paris@club-internet.fr •

DLF, n° 283


LES DICTIONNAIRES FRANÇAIS, OUTILS D’UNE LANGUE ET D’UNE CULTURE de Jean Pruvost
Éditions OPHRYS, « L’Essentiel français », 2021, 228 pages, 18 €
Observant l’évolution de l’oeuvre lexicographique de Jean Pruvost, c’est la métaphore de l’arbre qui s’impose, celle de l’histoire du langage de pair avec le développement des savoirs.
Au commencement les racines, quête inassouvie des origines, car les mots pourraient bien nous conduire vers la découverte des « mystères que le ciel cache ». Ainsi de L’Etymologiae d’Isidore de Séville au VIIe siècle, ouvrage fondateur de la pensée médiévale pour tout l’Occident latin pendant plus d’un demi-millénaire.
Est-ce la crainte de l’oubli de leur langue qui incita les érudits à « recueillir » les vocables estimés rares ou techniques ? Déjà au IIIe siècle avant J.-C., Aristophane de Byzance avait fondé une École de lexicographie, mais aussi les Romains, avec Varron, au Ier siècle avant J.-C., lequel opéra un classement par matières dans le De Lingua latina. Le tronc de l’arbre a donc commencé sa croissance en latin, idiome dangereusement concurrent pour l’établissement du français. Mais fort heureusement, le roi François Ier signa en 1539 l’ordonnance de Villers-Cotterêts, instaurant l’obligation de rédiger les documents officiels en français. La même année, l’imprimeur Robert Estienne publie le Dictionaire francoislatin qui fait la part belle aux articles rédigés en français, même s’il conserve « un bilinguisme discret » ! Par la suite, le mouvement s’accélère : le XVIe siècle finissant produit le Thrésor de la langue françoise de Jean Nicot, tout à la gloire de la langue nationale ! Mais on a peine à croire que notre précieux idiome avait déjà besoin d’être défendu contre la menace vigoureuse de l’italien, et encore sournoise du latin ! Néanmoins, l’institution salvatrice fut l’Académie française, fondée en 1634 sous le règne de Louis XIII. À dater de cette époque, l’arbre s’enrichit de rameaux par milliers, sans compter une riche frondaison de dictionnaires bilingues, spécialisés et même (et surtout !) amoureux. Pouvait-on imaginer qu’en 2019, notre vénérable Académie offrirait gratuitement, par le biais d’un portail électronique avec un simple « clic », les neuf éditions de son Dictionnaire depuis la première en 1694 ?
Jean Pruvost déambule tout à son aise au sein de cette étonnante créature. La nouvelle édition de son ouvrage – lauréat en 2007 du prix de l’Académie française – indique les chemins à suivre selon nos intérêts intellectuels. Désormais, depuis son téléphone, tout citoyen moderne et branché peut s’initier aux arcanes dictionnairiques... Monika Romani

LE PIÈGE DU TOUT-ANGLAIS EXPLIQUÉ AUX FRANÇAIS PAR UN ANGLAIS de Donald Lillistone
Éditions Glyphe, « Le français en héritage », 2021, 96 pages, 8 €
Après avoir lu l’essai de Donald Lilllistone, enseignant anglais farouchement francophile, on se demande comment les anglomaniaques peuvent encore s’autoriser à pratiquer « le tout-anglais » ! Car sa démonstration visant à les remettre dans le droit chemin, est lumineuse.
D’abord, l’auteur rappelle la définition canonique de la langue par le linguiste Claude Hagège : manière de penser, façon de voir le monde, expression d’une culture, beaucoup plus qu’outil de communication. Il s’ensuit que « le tout-anglais », énoncé sous forme de globish (motvalise composé de global et english), simplification n’utilisant que les expressions les plus communes, produit un nivellement destructeur par le bas. Ce sont principalement des agences de com et de tourisme, des organisateurs de conférences en mal d’originalité et certains membres des classes dirigeantes qui déforment sans scrupule et le français et l’anglais en croyant « faire moderne ». En fait, ce snobisme niais et parfois franchement ridicule s’expliquerait par des raisons économicopolitiques. David Crystal, spécialiste de la langue anglaise, a démontré à maintes reprises que cette situation résulte de la puissance de l’Empire britannique au XIXe siècle, suivie de l’hégémonie des États-Unis aux XXe et XXIe siècles. Actuellement, même après le Brexit, le piège du « tout-anglais », c’est l’empire spirituel américain, « seule culture populaire commune aux jeunes Européens ».
Alors, la richesse pluriculturelle européenne est-elle condamnée à se diluer dans le « tout-anglais » ? Soyons optimistes. Car il semble que cette prédominance commence à faire date (vintage !). Les études récentes montrent que « l’anglais ne suffit plus ! », impliquant un renouveau du français, de l’allemand et de l’espagnol. CQFD. Monika Romani

LANGUE FRANÇAISE MINUTE. 200 DIFFICULTÉS À SURMONTER POUR ÉCRIRE ET PARLER UN FRANÇAIS CORRECT de Delphine Gaston-Sloan
Éditions Contre-Dires, 2021, 420 pages, 14,90 €
Par les temps qui courent, Delphine Gaston-Sloan sait que la langue française nous attend au tournant des multiples complications dont elle a le secret. L’autrice nous offre donc un programme minuté au sein duquel le chapitre intitulé « Des fautes de proximité » ainsi que leur kyrielle de barbarismes et pléonasmes, est celui qui démontre le mieux à quel point le français est redoutablement difficile.
Ainsi, pour une oreille non francophone ou d’un faible entendement, la confusion est vite faite hélas entre affection et infection, pis encore entre billard et billot, percepteur et précepteur, circonscrire et circoncire, lésion et liaison, etc. Ces mots dangereux pour la vie sociale sont analysés en éclairant le lecteur par des exemples toujours empruntés à l’Histoire ou à la littérature, ce qui rend cet ouvrage doublement attrayant.
Par rapport à ces bévues irréparables, l’orthographe et la conjugaison semblent moins urgentes à réparer, encore que les 200 difficultés présentées ici méritent une étude sérieuse, si l’on souhaite ajouter sur son CV : « connaissance du français ». Monika Romani

LA FABULEUSE HISTOIRE DE L’INVENTION DE L’ÉCRITURE de Silvia Ferrara
Éditions du Seuil, 2021, 320 p., 22 €
« Je suis en CM 2. La maîtresse écrit au tableau des signes étranges que je n’ai jamais vus. La maîtresse écrit et, sans le savoir, elle appose un sceau sur ma vie.» Silvia Ferrara, aujourd’hui professeur de philologie mycénienne à l’université de Bologne, se rappelle cet instant extraordinaire qui va décider de ses recherches, de ses découvertes, et de cette histoire de « la plus grande invention du monde ». Celle-ci n’a pas été inventée en un clin d’oeil, mais progressivement. Dans des pages précieusement illustrées d’images rares et savantes – sceau en jaspe gravé de signes crétois hiéroglyphiques, stèle d’un Danzante de Monte Alban (Mexique), inscription avec licorne de la vallée de l’Indus, alphabet de Hildegarde de Bingen, disque de Phaistos, etc. –, l’autrice nous fait voyager « dans le temps et l’espace comme dans les méandres de l’esprit humain ». Fabuleuse et passionnante histoire en effet des écritures indéchiffrées, des écritures inventées et d’étonnantes découvertes, dont on peut imaginer les joies qu’elles procurent. Au fil des pages de ce livre savant, mais très vivant et très agréable à lire, un souvenir m’est revenu : le poète libanais Saïd Akl m’apprit comment, d’un empattement retourné au bas de la lettre F, il avait pu traduire un phonème arabe qu’on ne pouvait, à la lecture, entendre en français. Un ouvrage rare pour des langues qui n’ont pas dit leur dernier mot. Savoureuses perspectives... Jacques Dhaussy

        Signalons aussi :
  • LES MOTS IMMIGRÉS, d’Erik Orsenna, de l’Académie française, et de Bernard Cerquiglini, illustrations de François Maumont
    (Stock, 2022, 120 p., 17,50 €, liseuse 12,99 €).
  • COMMENT DIRE ? UTILISEZ LES FIGURES DE STYLE EN FONCTION DE VOS BESOINS, de Jean-Pierre Colignon (ediSens, seconde édition, 2022, 240 p., 16 €).
  • CINQUANTE ANS DE MÉTALEXICOGRAPHIE : BILAN ET PERSPECTIVES. HOMMAGE À JEAN PRUVOST, sous la direction de Danh-Thành Do-Hurinville, Patrick Haillet et Christophe Rey (Honoré Champion, « Lexica, Mots et Dictionnaires », 2022, 342 p., 45 €).
  • ÉCRIRE SANS FAUTE(S). DICTIONNAIRE MODERNE ET PRATIQUE DES DIFFICULTÉS DU FRANÇAIS, de Jean-Pierre Colignon (CFPJ, 2022, 28,50 €, à paraître).
  • LES GRANDES RENCONTRES, de Véronique Berger Grenier (Éditions Maïa, 2021, 176 p., 18 €).
  • * * *
  • RHÉTORIQUE. L'ART DE SAVOIR CONVAINCRE - MANUEL DE COMMUNICATION ÉLOQUENTE, de Robert Mercier (autoédition, 2021, 154 p., 13,99 €).
  • QUI VEUT LA PEAU DU FRANÇAIS ?, de Christophe Benzitoun (Le Robert, « Temps de parole », 2021, 288 p., 22 €).
  • LE KJOKK. DICTIONNAIRE DES BIZARRERIES DE LA LANGUE FRANÇAISE, de Mickaël Schauli (AFNIL, 2021, 210 p., 20 €).
  • L’AGENDA DES AMIS DES MOTS 2022, de Muriel Gilbert (Vuibert, 2021, 192 p., 14,90 €).
  • HISTOIRE DES NOMS DE FAMILLE FRANÇAIS. DE LEUR FORMATION À LEUR DISPARITION, de Xavier Deniau (L’Harmattan, « Nomino ergo sum », 2021, 258 p., 27 €, version numérique 20,99 €).
  • LA GRAMMAIRE FRANÇAISE DANS TOUS SES ÉTATS, de Marina Yaguello (Le Seuil, « Essais », 2021, 240 p., 8,30 €).
  • LES MOTS BRETONS DANS LA LANGUE FRANÇAISE, de Nicolas et Serge Buanic (Éditions Ouest-France, 2021, 216 p., 12 €).
Nos adhérents publient
  • Pour découvrir les sens d’un mot au fil du temps, il faut lire l’article que Pierre Avenas publie, chaque mois, dans La Jaune et la Rouge, revue des anciens élèves et diplômés de l’École polytechnique. Ces articles d’étymologie sont accessibles en ligne. Les trois derniers ? : « entreprise », « histoire » et « logistique ».
  • Avec Dans le fauteuil du quatrième rang (France Univers, « Les dictionnaires du Bon Plaisir », 2021, 216 p., 19 €), Michel Mourlet, éminent théoricien du cinéma et de l’audiovisuel, nous offre ses notices sur deux cents films des années 1968-1981. Ces notices sont issues de divers magazines et revues.
  • Geôle à ballons, deuxième roman d’Yvan Gradis est « garanti sans fautes d’orthographe, sans anglicismes, sans écriture inclusive » et est téléchargeable sur le site de Librinova (coût : 2,49 €). La version papier est disponible chez cet éditeur (137 p., 12,90 €).
  • Sous le pseudonyme Yann- Gaël Stéphan-Marceau, un nouvel adhérent, ancien professeur de lettres, publie Nos élites prises en faute(s) (Édilivre, 320 p., 22,50 €) qui répertorie les fautes de français de divers politiciens ainsi que de présentateurs, chroniqueurs, journalistes..., non par agressivité, mais pour les inviter à plus de rigueur, et, pour les y aider, l’auteur rappelle « les points de grammaire, de vocabulaire et de conjugaison... ».
  • Les poèmes d’Achour Boufetta dans Entre nous sont « un appel à la vie, un hymne à l’Homme et à la Nature », affirme Joël Conte dans sa préface (Édilivre, 98 p., 11 €). Le correspondant de la délégation DLF d’Algérie nous annonce aussi la publication, chez le même éditeur, de Quelques nuances de la langue française.
  • Alain Ripaux vient d’éditer le numéro 6 de sa Revue francophone d’information.(84 p., 8 € + 4 € de port). Ce numéro est consacré, entre autres, à la situation de la langue française au Québec. Pour soutenir l’action de Francophonie Force Oblige, il lance un appel à cotisation.
    Commandes et renseignements : ripauxalain @gmail.com.
Retour haut de page Retour sommaire
• Siège administratif : 222, avenue de Versailles 75016 Paris •