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DLF, n° 289


PETIT DICTIONNAIRE DU PEUPLE. DES RUSTRES DE PARIS AUX RUSTAUDS DES VILLAGES de Jean-Claude-Léonard-Poisle Desgranges
Édition critique entreprise par Marie-Rose Simoni-Aurembou, complétée et présentée par Fabrice Jejcic, avant-propos de Jean Pruvost Corsaire Éditions, 2022, 262 pages, 34 €
Jean-Claude-Léonard-Poisle Desgranges est un p’tit gars d’Orléans, il y naquit en 1789, et mourut parisien (rue Pelleport exactement, dans le 20e) en 1876. La famille comptait trois enfants, un autre garçon, l’aîné, et une fille que les parents ne craignirent point de prénommer Marie-Antoinette, née en 1793, l’année même où était guillotinée la reine. On aimerait savoir comment fut accueillie par l’administration révolutionnaire la déclaration de cette naissance...
Cela dit, revenons à Jean-Claude-Léonard, qui, sous Napoléon le premier, suivit les armées comme responsable de la distribution du courrier aux soldats. Quelques années plus tard, le voici à Paris, épousant en 1820 une brodeuse, Sophie Bouchette. Et c’est l’année suivante que cet homme qui deviendra employé des postes publie son Petit dictionnaire du peuple, à l’usage des quatre cinquièmes de la France, contenant un aperçu comique et critique des trivialités, balourdises, mots tronqués et expressions vicieuses des gens de Paris et des provinces, suivi d’un grand nombre de phrases absurdes qu’on répète sans réflexion.
Le désir de l’auteur apparaît clairement, et il le dit sans détour dans son « Avis à mes lecteurs » :
« C’est en rappelant à la masse, pour laquelle j’écris, ses fautes journalières, que je prétends l’obliger à moins mal s’exprimer. » Mais, précise-t-il, « point de règles ni d’exceptions, le peuple n’a pas le temps d’en approfondir ». Voulez-vous quelques exemples ?
« ANGOLA. Un chat angola ou angora. Les avis sont partagés ; mais l’académie (sic) se tait ; quand elle aura prononcé, nous saurons à quoi nous en tenir. »
« Nous avons mangé DES BEIGNETS AUX POMMES.
Dites-moi, je vous prie, si les
beignets se font sans pommes ? Le mot de beignets suffit donc. » « CORNICHON, pris pour imbécille, n’est pas français. C’est une trivialité. Un père qui traiterait son fils de cornichon se ferait passer pour un être de la famille des concombres ; à rien ne tienne qu’il ait épousé une citrouille. » « LA DESSERRE. C’est ainsi qu’on appelle la débâcle de la Loire ; or, desserre n’est français qu’en province, et où l’on n’a ni académie ni dictionnaire. » On le voit : l’auteur est impitoyable pour les parlers régionaux, y compris le sien! Mais Marie-Rose Simoni-Aurembou et Fabrice Jejcic apportent cette précision :
« Le verbe desserrer, “avoir des remous produits par le dégel”, est attesté depuis l’ancien français (1220); le substantif la desserre apparaît au XVIe siècle, “dégel dans les eaux d’une rivière”. Mais seul Thibault, en 1892, confirme une localisation ligérienne, à Blois [...], d’où l’intérêt de celle de Desgranges. »
En effet, en même temps qu’il critique un usage régional, l’auteur nous le confie sans se rendre compte qu’il nous offre ainsi un trésor.
Vous parlant de ce livre, nous ne saurions oublier le dessert que nous propose Jean-Claude-Léonard : une dictée ! (présentée par Line Sommant) qu’il adresse tout particulièrement au « grand nombre d’écoliers qui croyent avoir la science infuse en partage, parce qu’ils écorchent quatre mots de latin ». Bien qu’il prenne soin de prévenir qu’on n’y trouvera que « des mots simples et presque tous familiers », elle vous semblera sans doute, gens du XXIe siècle, pas facile du tout... Tenez, juste ce passage : « Plus loin, des homards en schakos et des centaures en czapkis, près d’un faisceau d’armes, s’amusaient à bayer aux corneilles... »
Une merveille, ce Petit Dictionnaire du peuple, à la fabrication fort soignée, relié, très joliment illustré, pourvu d’une édition critique méticuleuse. Martine Rousseau

GROSSE LÉGUME, REINE DES POMMES & HERBES FOLLES. LES SECRETS DE 1 001 EXPRESSIONS FLEURIES ET FRUITÉES, de Françoise Guerard
Éditions de l’Opportun, 2023, 332 pages, 18,90 €
Du jardin d’Éden aux roses d’Ispahan en passant par les parcs à la française et les jardins suspendus de Babylone, les jardins ont inspiré les poètes et nourri nos rêves. Fleurs et fruits ont fait naître proverbes, aphorismes, dictons et maximes. Françoise Guerard, auteur, éditeur et lexicographe, nous propose un millier d’expressions familières, populaires et occasionnellement argotiques, articulées autour des noms de plantes du jardin, du verger, des champs, des chemins et des bois. On y trouve la signification, l’origine et le décryptage de chacune d’entre elles. Les citations datent pour la plupart des xxe et XXIe siècles, de courir sur le haricot à envoyer du bois. Parmi les nombreux auteurs cités, on trouve évidemment Louis Forton, Michel Audiard et Pierre Dac, mais également Lionnel Astier et Alain Rey. Un ouvrage plaisant, pittoresque et didactique. Pierre Gusdorf


DICTIONNAIRE DES FRANCOPHONES 2 576 063 mots répertoriés au 22 juillet 2023 https://www.dictionnairedesfrancophones.org/explore
Accéder au tambour, « monter sur le trône », castard, « costaud », rouliplanchiste, « pratiquant de la planche à roulettes », ligne à hardes, « corde à linge », péguer, « coller », se faire faire missa, « se faire tout prendre », avoir la tête comme une oule, « être préoccupé », arranger les bêtes, « s’occuper du bétail », mettre la trompette, « vendre aux enchères à son domicile »... Ces locutions et ces verbes respectivement burundais, belge, québécois, acadien, occitan, marocain, drômois, lorrain et mauricien sont extraits du Dictionnaire des francophones, qui s’est développé de manière spectaculaire depuis son lancement auprès du grand public voici deux ans.
Le projet a été annoncé en 2018 par le président Macron. Sa réalisation a été confiée à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France. L’opérateur choisi par le comité de pilotage est l’Institut international pour la Francophonie de l’université Jean Moulin Lyon 3. Il compte de nombreux soutiens et partenaires, parmi lesquels l’Organisation internationale de la Francophonie, le CNRS, Wikimédia, la Fondation des Alliances françaises ou l’Office québécois de la langue française. Ce Dictionnaire a la particularité d’intégrer plusieurs ressources : le Wiktionnaire francophone, l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, le Dictionnaire des synonymes, des mots et expressions des français parlés dans le monde, Le Grand Dictionnaire terminologique, l’ouvrage Belgicismes - Inventaire des particularités lexicales du français en Belgique, le Dictionnaire des régionalismes de France, la Base de données lexicographiques panfrancophone, FranceTerme...
Cet outil donne accès aux définitions et à l’étymologie des mots utilisés dans tout l’espace francophone. Il permet de consulter simultanément plusieurs dictionnaires et bases de la langue française telle qu’elle est parlée aujourd’hui dans sa diversité géographique, culturelle et sociale. Base de données relationnelle, il combine une ambition scientifique, avec des experts réunis autour de Bernard Cerquiglini, et une démarche participative ouverte au grand public qui permet l’ajout de définitions et de mots. Cette oeuvre collective évolue en permanence, alimentée par des contributions du monde entier. Les 500 000 termes de base de ses débuts ont été multipliés par cinq. Pierre Gusdorf

TOUTES CES FAUTES À NE PLUS FAIRE ! ORTHOGRAPHE, CONTRESENS, PRONONCIATION de Françoise Nore
Éditions de l’Opportun, 2023, 256 pages, 14,90 €
Après nous avoir enchantés avec J’en perds mon latin ! (voir DLF n° 287), Françoise Nore s’attaque aux fautes de français que l’on commet souvent de bonne foi. Emploi erroné de certains mots, fautes d’orthographe, de grammaire, de syntaxe, de prononciation, pléonasmes, tics de langage, expressions détournées... Quelle est la différence entre un « capitaine d’industrie » et un « chevalier d’industrie » ? Entre « antan », « jadis » et « naguère » ? Doit-on écrire « bailler », « bâiller » ou « bayer » ? Comment « feignant » est-il devenu « fainéant » ? Doit-on dire « dune de sable », « reculer en arrière », « oubli involontaire » ? L’auteur nous rappelle que la locution conjonctive après que doit être suivie de l’indicatif, que le verbe débuter est intransitif, que l’on doit dire « à vélo » et non « en vélo ». Elle nous rappelle aussi que les mots « amour, délice et orgue » ne sont du genre féminin au pluriel que dans certains cas précis et que l’on postule « un emploi » et non « à un emploi ». Françoise Nore nous invite à ne pas confondre « abscons » et « abstrus », « agonir » et « agoniser », « clore » et « clôturer ». Elle s’élève contre certains travers de langage utilisés dans les médias, telle l’expression « clamer son innocence » utilisée à la place de « protester de son innocence » ou « au final » à la place de « finalement ». Un ouvrage conseillé à tous les communicants. Pierre Gusdorf


        Signalons aussi :
  • LE SUCCÈS DE LA FRANCOPHONIE AU XXIe SIÈCLE, d’Axel Maugey (Éditions Unicité, nouvelle édition, 2023, 284 p., 18 €).
  • DICTIONNAIRE DES MOTS OUBLIÉS, de Gilles Fau (troisième édition, revue et augmentée, 2023, 312 p., 20 € + 5 € de frais de port ; le commander à l’auteur : Le Bourg, 46500 Miers).
  • * * *
  • LES MOUTONS DE LA PENSÉE. NOUVEAUX CONFORMISMES IDÉOLOGIQUES, de Jean Szlamowicz (Les éditions du Cerf, 2022, 232 p., 20 €).
  • SI LA LANGUE FRANÇAISE M'ÉTAIT CONTÉE, de Magali Favre (Fides, « Biblio », 2022, 472 p., 17 €).
  • 100 MOTS ET EXPRESSIONS EMPLOYÉS À MAUVAIS ESCIENT, de Julien Soulié (Le Figaro littéraire, 2022, 154 p., 9,90 €).
  • EN FINIR AVEC LES IDÉES FAUSSES SUR LA LANGUE FRANÇAISE, de Médéric Gasquet-Cyrus (Les Éditions de l’Atelier, 2023, 158 p., 12,50 €, liseuse 8,99 €).
  • LA RÉPUBLIQUE DES LANGUES, de Michel Launey (Raison d’agir, « Cours et travaux », 2023, 912 p., 29 €).
  • Aux éditions Le Robert et Lunii :
    HISTOIRES FARFELUES D’ORTHOGRAPHE, d’Elodie Fondacci, 2023, 12,95 € chacun :
    LE ROI PONCTUATION ET AUTRE HISTOIRE (6-8 ANS), illustrations de Marianne Barcilon (120 p.).
    LES FRÈRES S ET AUTRES HISTOIRES (6-8 ANS), illustrations de Marianne Barcilon (120 p.).
    GENOU, LE PETIT HIBOU ET AUTRES HISTOIRES (À PARTIR DE 7 ANS), illustrations de Véronique Deiss (152 p.).
    LE DRAGON É-OU-ER ET AUTRES HISTOIRES (9-11 ANS), illustrations de Véronique Deiss (168 p.).
Nos adhérents publient
  • Dans Méandres vagabonds d’un amoureux du Morvan, ouvrage à mi-chemin entre roman itinérant et carnet de route intime et pittoresque, Alain Baroin rend hommage à la région de son enfance, trait d’union entre Paris et Lyon, terre d’élevage et de culture, berceau d’hommes illustres (Vauban, Jules Renard, Romain Rolland…). (Z’est éditions, illustrations de Marie-Paule Pancrazi. 294 p., 28 €).
  • Louis Bachoud définit ses Mémoires cosmopolites comme « un hymne à la liberté ». Il nous parle de la vie, « de la faune vivante du Moyen Atlas aux pins d’Alep, des Amériques aux confins de l’Afrique, de l’Europe des Lumières aux sagesses de l’Asie », et nous invite à « une plongée vertigineuse dans l’histoire des deux derniers siècles ». (Éditions David Reinharc, préface de Nacer Kettane, 280 p., 25 €).
  • Bernard Fripiat a mis en ligne les trois bandes dessinées d’Orthogaffe. Extraites de la websérie orthogaffe.com réalisée par Nicky Ward, elles sont téléchargeables gratuitement à l’adresse https://nicky ward.wixsite.com/monsite.
  • En réponse au tract des « Linguistes atterrées », Le français va très bien, merci, Maurice Pergnier, professeur émérite de linguistique à l’université Paris-Est-Créteil, a rédigé une « Mise au point d’un linguiste affligé ». À lire sur le site de DLF.
  • À la demande du Figaro (25 mai), Jean Pruvost a composé à ce sujet une tribune, « Le français ne va pas si bien, hélas », qui a été signée par une vingtaine de personnalités, dont Michel Zink, Michaël Edwards et Frédéric Vitoux, de l’Académie française, Pascal-Raphaël Ambrogi, Alain Bentolila, Jean- Joseph Julaud, Andrea Marcolongo, Françoise Nore, Marie Treps...
  • Le dossier de La Jaune et la Rouge (n° 785) est consacré à « Proust et les polytechniciens ». Belle occasion pour Pierre Avenas d’analyser l’étymologie du nom Proust, qui a pris « d’innombrables formes » (Prévost, Pruvost, Prost, etc.). On peut lire cet « Etymologix », comme tous les autres, sur internet.
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