Défense de la langue française   
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La langue française pour Gérard de Cortanze
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Invité d’honneur de notre déjeuner du 17 juin (voir p. III), l’écrivain Gérard de Cortanze a présenté son tout nouvel ouvrage : Passion de la langue française (Desclée de Brouwer, 234 p., 19 € ; voir l’analyse de Christian Nauwelaers dans le précédent numéro).
Nous le remercions d’avoir rédigé pour DLF l’introduction de cette présentation.


Ne déprisons pas la langue française

La publication en 1549 de Défense et illustration de la langue française, fameux livre de Joachim Du Bellay, constitue un acte capital dans l’histoire de notre langue puisqu’il entend assurer au parler populaire, au parler national, une prépondérance défensive sur le latin. Mais que dit-il exactement et que doit-on en retenir aujourd’hui ? On a longtemps reproché à Du Bellay d’avoir utilisé des idées qui étaient dans l’air du temps et qui avaient déjà été exprimées par nombre de ses amis. C’est inexact. Le livre est un véritable manifeste qui fortifie, développe, complète une position théorique et se pose en acte fondateur. Loin de prôner une langue fermée, enclose sur elle-même, Du Bellay propose de cultiver des genres nouveaux, de mener une réflexion sur les moyens d’enrichir la langue par des emprunts, la fabrication de néologismes et l’utilisation de mots disparus. Il le dit très clairement : « Notre langue ne doit point être déprisée, même de ceux auxquels elle est propre et naturelle. »

Ce qui nous est dit là est essentiel. C’est un message pour aujourd’hui. Une langue qui ne crée plus de néologismes est une langue menacée de sclérose, d’appauvrissement, c’est une mer qui s’assèche, une forêt profonde qui se transforme lentement en désert. Au terme de sa vie, le commissaire Antoine San-Antonio, narrateur de ses propres aventures, reconnaît ceci : « J’ai fait ma carrière avec un vocabulaire de 300 mots. Tous les autres, je les ai inventés. » C’est un formidable aveu. Une prise de position théorique. Vouloir jouer avec sa langue, c’est lui montrer son amour. Patrick Chamoiseau, Raymond Queneau, Andreï Makine ne disent pas autre chose.
Léopold Sédar Senghor les rejoint, ajoutant : « Le français est une langue à vocation universelle, la langue de la civilisation de l’universel. » Tout est là. Illustration, oui ; mais aussi, défense. Épanouissement, épanchement, expansion, oui ; mais en se tenant droit, en visant haut, en étant fou de hauteur. Ne pas dépriser sa langue, c’est la priser, c’est-à-dire l’apprécier, l’estimer, lui donner du prix, l’aimer. Il y a un peu plus de 450 ans, les poètes de la Pléiade ne disaient pas autre chose. Leur souhait est toujours d’actualité. Aimer sa langue, c’est la défendre. Mais il ne faut pas oublier de l’ouvrir à l’autre, à la différence, c’est une preuve supplémentaire d’amour. Et, dans ce sens, la francophonie est une chance pour la langue française : la meilleure façon de ne pas la dépriser, et sa meilleure chance...

Gérard de Cortanze, écrivain, essayiste, traducteur et critique littéraire français, est né à Paris en 1948.

Formation : études de lettres modernes.

Carrière : dans les années 1970, traduit de nombreux écrivains hispanophones (E. Mendoza, C. Fuentes, J. Cortàzar...), publie des anthologies de littérature hispanique ; fréquente les milieux d’avant-garde et devient producteur à France Culture et critique littéraire (Le Monde, Libération, Le Nouvel Observateur, Le Figaro littéraire...) ; il occupe diverses fonctions dans l’édition (Belfond, Hachette littérature, Plon, Flammarion, Ramsay, Les Éditions des Femmes...).

Dans les années 1980, écrit de la poésie, des pièces de théâtre radiophoniques, publie un premier roman et, dans les années 1990, des biographies littéraires (Jorge Semprun, Philippe Sollers, J.M.G. Le Clézio...), des monographies sur Antonio Saura, Zao Wou-ki et sur des peintres français contemporains. Depuis 1998, date de la publication des Vice-Rois, il s’est lancé dans la rédaction d’une fresque de son histoire familiale, regroupée en quatre cycles.

Parmi ses nombreuses oeuvres : Les enfants s’ennuient le dimanche (1985), Giuliana (1986), L’Amour dans la ville (1993), Les Vice-Rois (1998, nombreux prix), Cyclone (2000), Une chambre à Turin (2001, prix Cazes-Lipp 2002), Assam (2002, prix Renaudot 2002), Spaghetti ! (2005), Laura (2006), De Gaulle en maillot de bain (2007), La Belle Endormie (2009), Indigo (2009, prix Paul-Féval), Giscard en short au bord de la piscine (2010).

Titres et décorations : membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique (2005), chevalier de la Légion d’honneur, officier des Arts et Lettres et commandeur de l’ordre de l’Étoile de la solidarité italienne...
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