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L’orthographe pour
François de Closets
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Invité d’honneur du déjeuner du 20 octobre
(voir DLF, no 234, p. II), François de Closets
nous a présenté son tout nouvel ouvrage :
Zéro faute. L’orthographe, une passion française
(Mille et une nuits, 330 p., 20,90 €)
Nous reproduisons ici des extraits de
l’enregistrement de sa conférence, transcrite
par Alexandre François.
J’ai fait ce livre car notre système orthographique s’effondre. Des
enquêtes montrent que depuis les années 1990-2000, les compétences
des élèves s’effondrent comme ça n’est jamais arrivé. Alors, il faut
s’interroger : quelles en sont les causes et quels pourraient en être les
remèdes? De ce point de vue, j’ai repris toute l’histoire de la langue
française et de l’orthographe.
Que nous apprend ce livre ? La France a hérité d’une orthographe
atrocement compliquée et savante, d'une orthographe de scribe. Au
moment où, au début du XIX
e siècle, la France décide que toute sa
population – analphabète à l’époque – devra apprendre à écrire, elle
décide aussi de ne pas simplifier cette orthographe. Tous les Français
devront absolument apprendre et pratiquer cette orthographe de
scribe, alors qu’au XVIII
e siècle, la correction n'était exigée que des
professionnels ou dans l’imprimerie.
A priori, c’est un objectif fou et pour l’atteindre, on décide de
sacraliser l’orthographe. Pourtant, dans toutes les autres disciplines,
les erreurs sont pardonnables. Or, pour la seule question de l’orthographe, le manque de savoir devient un manque de savoir-vivre.
Il faut bien comprendre que c’est la crainte de la faute qui a permis de
tenir ce pari fou. À partir de là, tous les Français, sentant peser le poids
de la culpabilité et du ridicule s’ils ne maîtrisaient pas l’orthographe,
ont fait l’effort de se soumettre à ses règles.
Alors, que s’est-il passé dans les années 90 au point de provoquer
l’effondrement des compétences orthographiques ? Eh bien, la
deuxième révolution de l’écriture ! La première fut l’imprimerie, qui
influença toute notre orthographe, toute notre ponctuation, toute
notre accentuation. Et voilà qu’à partir de 1990 se répand l’écriture
électronique. Résultat : les jeunes écrivent bien plus que nous ! Le
XX
e siècle est celui de l’écriture, mais l’écriture n’est plus la même. Si
vous regardez les jeunes discuter constamment dans leurs forums, ils
ne sont pas en train d’établir un texte à conserver précieusement.
Voilà une écriture qui transcrit de l’oral et incite à la faute. Changer
un mot est devenu tellement facile qu’on le change sans relire, sans
faire attention aux accords. On est pressé, on ne fait même pas appel
au correcteur. Aujourd’hui, les jeunes sont habitués à écrire ainsi et
c’est irréversible : l’écriture double désormais l’oral dans la fonction
conversationnelle. C’est, à mon avis, la raison décisive qui empêche
les jeunes de comprendre cette notion de faute, qui ne s’est imposée
que parce que l’écrit avait cette valeur supérieure à l’oral.
À moins d’interdire l’écriture électronique, les jeunes générations
écriront au mieux comme les grands écrivains du XVIII
e siècle, qui ne
prêtaient qu’une attention très relâchée à l’écriture. Mais à l’époque,
la faute n’existait pas. Aujourd’hui, la nouvelle donne est que les
jeunes écriront sur clavier toute leur vie. L’écriture manuscrite est
appelée à devenir complètement marginale. C’est un fait et il faut
s’interroger : doit-on continuer à apprendre le français pour maîtriser
un exercice où l’élève écrit sur feuille blanche un texte dicté, sans
faute, sans aucune assistance, alors que les jeunes ne pratiqueront
jamais cet exercice de toute leur vie ? Ils devront, en revanche, écrire
leur propre texte, sur ordinateur et sans fautes, avec l’assistance d’un correcteur électronique. Cela ne relève pas du même apprentissage
mais d’un apprentissage tout aussi exigeant.
Voilà globalement résumé le point de vue de mon livre. Je vois autour
de moi beaucoup de gens qui déplorent avec moi la chute du
français, mais je n’ai jamais vu personne proposer la moindre solution
permettant de l’enrayer. Dire « il faut revenir en arrière, redonner les
heures perdues à l’orthographe » n’a aucun sens. Je suis désolé de
voir à quel point ceux qui se présentent comme les amis des
enseignants sont leurs pires ennemis en pensant uniquement à un
retour vers l’école du XIX
e siècle, au lieu d’ouvrir la voie de l’espoir,
qui est de maîtriser l’orthographe du XXI
e siècle. Cette orthographe
sera la même que la nôtre, mais une partie de sa difficulté pourrait
être transférée à l’ordinateur.
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François de Closets, journaliste et écrivain, est né en 1933.
Il a fait des études de droit et est diplômé de l’Institut
d’études politiques de Paris.
Journaliste de presse écrite, il a collaboré
successivement à l’Agence France-Presse, à Sciences et
Avenir, à L’Express, au Nouvel Observateur et à
L’Événement du jeudi.
Pour la télévision, il a produit pendant une trentaine
d’années, tantôt sur TF1, tantôt sur France 2, des
émissions consacrées soit à la science, soit à
l’économie ou à la santé.
En 1988, il a présidé la commission Efficacité de l’État,
dans le cadre du Commissariat général au Plan.
Parmi ses oeuvres, citons : L’Espace Terre des hommes et
La Lune est à vendre (1969);
Le Bonheur en plus (1974);
Scénarios du futur (T. I, 1978, T. II, 1979);
Toujours plus
(1982); Tous ensemble (1985); Tant et plus (1992); Le
Bonheur d’apprendre et comment on l’assassine (1996);
L’Imposture informatique (2000); Ne dites pas à Dieu ce
qu’il doit faire, biographie d’Albert Einstein (2004); Plus
encore (2006); Le Divorce français (2008).
(Source : Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/)
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