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L’humour de Proust
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Avocat au barreau de Bruxelles et auteur de nombreuses pièces de
théâtre, qui sont presque toutes des comédies, notre ami
Hippolyte Wouters – invité d’honneur le 3 octobre –
observe la vie avec amusement. Qu’il soit l’un des rares lecteurs de
Proust à avoir reconnu l’immense humour de celui-ci dans de
nombreuses pages d’À la recherche du temps perdu n’a donc rien
d’étonnant. Nous reproduisons ci-dessous l’avant-propos de son
ouvrage L’humour du côté de chez Proust*, avant-propos dont il s’est
inspiré pour introduire sa conférence.
Face à Marcel Proust, le public se divise en général en trois catégories.
Il y a tout d’abord ceux qui l’ont lu entièrement et dès lors l’ont
presque nécessairement relu ; ce sont ceux que l’on pourrait appeler
les « proustiférés ».
Il y a ensuite ceux qui ont
essayé de le lire, mais qui
n’ont pu arriver au bout
soit de l’oeuvre, soit de la
phrase ; Proust déclenche
incontestablement des
allergies, et parmi ces
allergiques un humoriste
avait même dit de lui que
quand on était
asthmatique, on ne se
lançait pas dans des
oeuvres de longue
haleine...
Un autre avait rédigé cette épitaphe :
«
Ci-gît Proust.
Les Parques ont voulu l’abattre
Parce qu’il coupait leur fil en quatre. »
Il y a enfin ceux qui ne l’ont jamais lu, et assez curieusement Proust
possède parmi ces derniers des admirateurs fervents et des adversaires
résolus. C’est la plus belle des consécrations !
Dans cette dernière catégorie d’admirateurs, l’occasion me fut
donnée un jour de rencontrer une dame charmante et respectable
qui s’était exclamée : «
Ah ! Proust, quel auteur merveilleux ! Et
Madeleine, quelle héroïne touchante ! » Devinant qu’elle aimerait mieux
être trompée que détrompée, je me bornai à lui répondre : «
Oui,
Madame, cette madeleine est vraiment une héroïne pleine de bon thé. »
S’il est toutefois une caractéristique constante et majeure de Proust
qu’aucune de ces trois catégories ne semble avoir relevée, c’est bien
son humour.
Si on ne l’aime pas ou si on ne l’a pas lu, cela se comprend, mais les
autres ? N’est-il pas étonnant d’entendre si rarement un inconditionnel
de Proust parler de son humour ?
Un peu comme si par un snobisme que Proust a sans doute décrit
mais aussi suscité, lui trouver des dons comiques reviendrait à
diminuer d’autant son propre prestige intellectuel.
Quand on consulte l’immense bibliographie consacrée à Proust, on
constate que quasiment personne n’a abordé cet aspect de son oeuvre
et que les rares qui l’ont fait sont encore parvenus à ensevelir son
humour sous une avalanche de considérations où la science le dispute
un peu à l’ennui.
Je voudrais pour ma part tenter d’offrir à une certaine catégorie de
lecteurs, que l’oeuvre de Proust ennuie ou rebute, une approche de
Proust qui leur donnera, je l’espère, l’envie de le lire plus avant et de
découvrir, attirés par son humour, toutes les autres splendeurs que
son oeuvre recèle.
N’ayant pu apprécier ou lire Proust plus tôt, ils auront ainsi
doublement l’occasion de partir à la recherche du temps perdu...
Après quoi, Me Wouters a mis en avant, nombreuses citations à
l’appui, les différentes sortes de comiques que l’on trouve dans la
Recherche : du comique d’observation au comique de situation souvent
moliéresque, en passant par le « self-humour » de l’auteur, par
exemple dans la description de sa difficulté à se mettre au travail :
«
... Si j’avais été moins décidé à me mettre définitivement au travail
j’aurais peut-être fait un effort pour commencer tout de suite. Mais puisque
ma résolution était formelle, et qu’avant vingt-quatre heures, dans les
cadres vides de la journée du lendemain où tout se plaçait si bien parce que
je n’y étais pas encore, mes bonnes dispositions se réaliseraient aisément, il
valait mieux ne pas choisir un soir où j’étais mal disposé pour un début
auquel les jours suivants, hélas ! ne devaient pas se montrer plus
propices... » (
À l’ombre des jeunes filles en fleurs.)
*Ce merveilleux petit livre cherche un éditeur (104 p., 12 €).
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Hippolyte Wouters est né en Belgique en 1934.
Docteur en droit (1957), il est avocat au
barreau de Bruxelles et homme de lettres.
Inventeur du Scrabble duplicate, champion
du monde de Scrabble francophone (1972)
et premier président de la Fédération
internationale de Scrabble francophone.
Parmi ses oeuvres :
Essais : Molière ou l’auteur imaginaire (Éditions
Complexe (1999),
L’Humour du côté de chez
Proust (2000) et Tocqueville humoriste (Michel
de Maule, 2011).
Pièces de théâtre : Le Destin de Pierre (1997).
La Conversation 1998).
Lenclos ou la liberté
(1999).
Le Choix d’Hercule (2001). Cosi Fan
Tutti (2003). L’Exil (2005). Trois mariages et
un entêtement (en coll. avec Jehanne Sosson,
2007). L’Affaire Nazareth (2009). Le Kid (2011).
Décorations : officier des Arts et des Lettres
de la République française.
Distinctions : grand prix de théâtre de
l’Académie royale de langue et de littérature
françaises de Belgique (2003).
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