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Le français pour François Taillandier
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D’Edmond Rostand, l’homme qui voulait bien faire, dernier ouvrage de notre invité d’honneur, nous extrayons ces lignes sur Cyrano.


Les traits d’esprit, la fantaisie verbale, les tirades sonores, la belle histoire d’amour : avec cela, on fait un succès de théâtre, lequel d’ailleurs ne s’est jamais démenti. Cyrano plaît dans tous les pays, à tous les publics, à toutes les générations. C’est encore vrai aujourd’hui. Mais la pièce, en son temps, a été d’emblée davantage : un fait de société. Il n’est pas douteux que Rostand, au-delà d'une intrigue bien ficelée et d’une technique dramatique impeccable, a touché quelque chose d’impalpable et de profond dans la France de son époque.
Il faut remonter un peu en arrière. La France humiliée par la défaite de 1870 s’est curieusement référée à deux héros glorieux et vaincus. Le premier est Vercingétorix, dont le culte scolaire est en grande partie l’oeuvre de la IIIe République. De ce personnage dont le rôle historique ne fut pas considérable, elle fait un fondateur mythique, garant de l’unité nationale, qui a en outre, aux yeux des laïcards, l’avantage de n’être pas chrétien comme le devint Clovis.
Le deuxième est Roland, le preux de Roncevaux ; depuis qu’un érudit a retrouvé, dans les années 1820, le manuscrit de la célèbre chanson de geste, les adaptations et traductions se sont multipliées. Roland est le héros de « France la doulce », comme dit le poème, vaincu par traîtrise dans son combat contre les « Sarrasins ». Roland, Rostand... N’y aurait-il pas une superposition inconsciente des deux noms ?
Edmond Rostand, sans le calculer, vient d’offrir à ses compatriotes un autre de ces vaincus magnifiques. Il tend aux Français un miroir où ils aiment à se reconnaître. Le héros bravache, frondeur, qui n’a peur de rien. Qui a toujours l’éloquence et le mot d’esprit aux lèvres – et l’on sait combien la France magnifie sa langue, que Rostand utilise dans toute la gamme de ses richesses. Un bretteur, un soldat courageux et loyal, un peu don-quichottesque, et puis aussi un coeur d'artichaut, qui assume, quitte à en souffrir, l’idéal de l’amour courtois. Un perdant – oui, bien sûr – mais qui gagne par les qualités du coeur, par la noblesse morale, par l’élégance, l’humour et la fierté ; tout ce que Rostand a défini d’un mot, le dernier de la pièce : le « panache ».


François Taillandier, écrivain, né en 1955 à Chamalières (Puy-de-Dôme).

Diplôme : maîtrise de lettres.

Carrière : d’abord professeur, puis écrivain (depuis 1984), collaborateur du Figaro, de L’Atelier du roman, L’Humanité, La Montagne ;
administrateur (2000-06) et président (2006) de la Société des gens de lettres.

Parmi ses nombreuses oeuvres : Personnages de la rue du Couteau (1984) ;
Les Clandestins (1990, prix Jean Freustié 1990) ;
Les Nuits Racine (1992, prix Roger-Nimier, prix Zola de la Société des gens de lettres) ;
Tous les secrets de l’avenir (1996) ;
Aragon (1897-1982) (essai, 1997, prix de la critique de l’Académie française 1997) ;
Anielka (1999, Grand Prix du roman de l’Académie française 1999) ;
N6 (2000) ;
Le Cas Gentile (2001) ;
Borges, une restitution du monde (essai, 2003) ;
La Grande Intrigue : Option paradis (tome 1, 2005), Telling (tome 2, 2006), Il n’y a personne dans les tombes (tome 3, 2007) ;
Ce mondelà, dictionnaire personnel de l’époque (2008) ;
Ce n’est pas la pire des religions (2009) ;
La Langue française au défi (2009) ;
Les romans vont où ils veulent (tome 4, 2010) ;
Time to turn (tome 5, 2010) ;
Le Père Dutourd (2011) ;
L’Écriture du monde et C’était le futur (2013) ;
La Croix et le croissant (2014) ;
Solstice (2015) ;
Jésus (2016) ;
Edmond Rostand (2018).
(D’après le Who’s Who 2019.)
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