Défense de la langue française   
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Éditorial N° 219



L’orthographe est l’âme des mots


Cette préface de Jean Dutourd au Grand Livre de l’orthographe, de Jean-Yves Dournon (L’Archipel, 2005, 288 p., 17,95 €) démontre une nouvelle fois l’influence de la musique et de la peinture sur la pensée de notre président.

Les mots ne sont pas seulement des sons, ils ont une forme qui n’est pas moins importante. C’est ici que l’orthographe apparaît. La filosofie n’est pas tout à fait la même chose que la philosophie, de même que Notre-Dame de Paris n’est pas l’abbaye de Westminster.
Nous vivons dans deux univers : celui de la musique et celui de la peinture. La langue que l’on appelle « maternelle » a sa mélodie et sa forme. La mélodie résonne à notre oreille depuis notre naissance et nous avons ouvert les yeux sur des formes qui ne ressemblent à aucune autre.
Depuis combien de siècles parle-t-on français en France ? Les historiens font remonter cela à 843, date du traité de Verdun qui, pour la première fois, ne fut pas rédigé en latin mais dans le patois gallo-germanique en usage à cette époque. Il a fallu six ou huit siècles encore pour qu’un lecteur curieux de poésie se résignât à lire Villon. Telle fut mon expérience vers l’âge de quinze ou seize ans. Après quelques essais décourageants, j’eus l’intuition que toute la beauté de cette poésie était cachée par l’orthographe surchargée de lettres inutiles, de tournures archaïques, de lourdeurs grammaticales, etc.
Même remarque à propos de Joinville, Rabelais, Montaigne, voire du cardinal de Retz. Dès que l’on faisait mentalement l’effort de remplacer la vieille orthographe par l’orthographe moderne, fût-ce «ij’estois » par « j’étais », tout se mettait à resplendir, c’était comme des peintures nettoyées.
L’orthographe française d’aujourd’hui qui donne au français moderne son visage particulier (j’oserai dire « son ovale parfait ») est celle qui s’est fixée au xixe siècle, dont les fondateurs sont les grands écrivains de cette période, de Chateaubriand à Proust, et qui a été codifiée par Littré. C’est de cette orthographe-là que Jean-Yves Dournon dévoile les secrets, les mystères, la mécanique, les règles, les irrégularités. Il y a dans son livre tout ce qu’un lecteur français peut savoir sur ce qu’il y a de plus précieux : le langage, c’est-à-dire son âme.
Jean DUTOURD
de 1 'Académie française
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