Défense de la langue française   
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Éditorial N° 264


À Bruno Frappat
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Le prix Richelieu 2017 était destiné à un journaliste de la presse écrite. Notre président Xavier Darcos, de l’Académie française, a remis ce prix à Bruno Frappat, éminent chroniqueur et éditorialiste tant au Monde, qu’ensuite à La Croix.



Je commencerai par remercier Mme Jacky Deromedi, grâce à qui nous sommes accueillis ici. Dans ce beau palais du Luxembourg, j’ai même eu droit à une entrée spéciale comme « sénateur honoraire », ce qui montre un esprit de fidélité touchant. Merci beaucoup de nous permettre d’être dans ces lieux prestigieux pour ce déjeuner qui suit l’assemblée générale.

Nous évoquions ce matin, au cours de cette assemblée générale, la situation contrastée que connaît la langue française : d’un côté, son développement important sur le plan démographique, grâce, notamment, à la poussée économique africaine et au militantisme culturel et intellectuel des pays de la zone subsaharienne, mais aussi, partout, des signaux un peu inquiétants, notamment sur notre propre territoire, où l’on voit se manifester une certaine indifférence à l’usage de la langue, voire une transgression de la loi pour du bon sens usuel. Nous citions en exemple la promotion de la candidature de Paris pour accueillir les Jeux olympiques, à travers un vilain slogan en anglais, américain plutôt. Ce slogan, qui avait déjà été utilisé essentiellement par une chaîne de pizzerias, a été projeté sur la tour Eiffel ! On pourrait dire : « Ce n’est pas très grave ! », « Ne soyez pas trop scrogneugneu », « Ne soyez pas toujours bloqués ! » Mais si, cette transgression est grave parce que c’est une insolente et négligente manière de sous-estimer ce que le monde attend de nous. On aurait affiché sur la tour Eiffel une très jolie formule en français, les gens l’auraient aussi bien utilisée. Comme je l’ai dit récemment au président d’Air France : on devrait dire « La France est dans les airs » ou même « Envoyez-vous en l’air avec la France », à la place de « France is in the air ». N’ayons pas peur d’utiliser le français !

Grâce à Défense de la langue française, face à ces défis sans cesse renouvelés, nous disposons de militants partout, très actifs. Je voudrais féliciter non seulement l’équipe parisienne, bien sûr, mais également les délégations départementales et celles de l’étranger, qui agissent avec énergie et efficacité pour que nos projets se concrétisent et reçoivent un écho. Partout dans le monde, on perçoit de l’intérêt pour ce que nous faisons. Nous étions encore réunis, ici même, il y a quinze jours, pour remettre le premier prix de La Plume d’or à une jeune Américaine, symbole de la francophonie et de la francophilie d’outre-Atlantique.

Couronnement de notre action, nous remettons aujourd’hui le prix Richelieu, qui, comme vous le savez, veut honorer une personnalité qui a contribué à faire rayonner la langue française et, à travers notre langue, les idées qui lui correspondent, parce qu’on n’utilise pas une langue sans une pensée et sans des valeurs qui lui sont propres. L’an dernier nous avions, comme vous vous le rappelez, honoré une journaliste assez polémique, une jeune femme très tranchée, qui méritait tout à fait de recevoir ce prix. Cette année, nous avons voulu faire un contraste : nous avons retenu une personnalité moins exposée, oserais-je dire « un vieux sage », cher Bruno Frappat... En tous les cas, un journaliste et un penseur qui a défendu la langue française non pas en courant tous les plateaux pour polémiquer à tout prix, mais par un travail de longue durée, par une présence continuelle et solide, sous la forme d’une écriture de très grande qualité, pour porter des valeurs que nous respectons et faire écho aux débats de notre temps.

Faut-il présenter Bruno Frappat ? Il a eu une carrière très longue, car il a commencé fort jeune, quand il avait à peine vingt ans, et, après du journalisme en province, est devenu très vite l’un des piliers du journal Le Monde. Il a commencé par traiter du sujet qui était le plus important et qui le reste : l’éducation. Je lisais Bruno Frappat lorsque j’étais jeune professeur parce qu’il était le spécialiste de l’éducation. Le Monde étant la bible de tout le monde, à cette époque-là encore, on lisait Bruno Frappat. Et ensuite, comme chacun sait, il a été beaucoup plus loin que le domaine de l’éducation, il s’est beaucoup exprimé sur l’ensemble des sujets qui relèvent de l’esprit. Il fut ensuite directeur de Bayard Presse, puis éditorialiste à La Croix, et enfin directeur de La Croix pendant plus de vingt ans.

Je dois dire que, chaque fois qu’on cherchait quelqu’un à l’esprit posé et respecté, on venait vous chercher. Je l’affirme d’autant plus que je l’ai fait moi-même, cher Bruno Frappat : dans les fonctions qui étaient les miennes à l’Institut de France, comme secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences morales et politiques, je présidais bien des jurys. Quelquesuns un peu démodés d’ailleurs, comme une fondation pour l’encouragement à la vertu. Mais parmi les fondations dont nous avons la charge, il y en a une qui est richement dotée et qui encourage les gros projets à caractère social et humain. Et lorsqu’on a cherché une personnalité qui puisse éclairer le jury, on a choisi Bruno Frappat. Lorsqu’on a besoin de quelqu’un pour penser juste et profond, on pense Frappat.

Je suis donc heureux que vous ayez été choisi pour le prix Richelieu. Je dois vous avouer que cette décision fut rapide à prendre : elle n’a pas fait un pli. Le choix s’est porté sur vous immédiatement, d’autant que, dans vos fonctions professionnelles, vous avez contribué très concrètement à illustrer la langue française : vous êtes président de l’Association des journalistes universitaires et, avec Daniel Picouly, vous présidez le jury d’un concours de nouvelles, destiné au grand public. Ce concours est organisé par le magazine Vivre plus, à l’occasion du salon du livre de Nancy, « Le livre sur la place ».

Cher Bruno Frappat, c’est avec beaucoup de plaisir et de fierté qu’au nom de Défense de la langue française nous vous remettons le prix Richelieu 2017.

Xavier Darcos
de l’Académie française

NDLR : Notre président vient de publier Virgile, notre vigie (Fayard, 288 p., 19 €).
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