Défense de la langue française   
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Propriété intellectuelle
(brevets - brevets européens - traduction en français - maintien)

50109. - 14 août 2000. - M. Jacques Masdeu-Arus appelle l'attention de M. le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie sur les vives préoccupations suscitées par la position adoptée par la France à l'occasion de la prochaine conférence intergouvernementale, le 16 octobre 2000 à Londres, qui devrait déboucher sur la signature d'un accord relatif aux règles de traduction des brevets européens prévoyant notamment de mettre fin à l'obligation de rédaction en français. Ce projet trouve son origine dans la conférence intergouvernementale de juin 1999 au cours de laquelle il avait été unanimement décidé de prendre des mesures visant à réduire les coûts élevés de traduction des brevets. En effet, jusqu'à présent, les règles en vigueur dans ce domaine prévoient le dispositif suivant : les brevets sont rédigés dans les trois langues officielles de l'Office européen des brevets, à savoir l'allemand, l'anglais et le français, et traduits dans les autres langues des États concernés s'ils en expriment la demande. Respectueuse de l'identité culturelle des pays membres, il est vrai que cette réglementation aboutit à alourdir les frais de traduction, qui peuvent représenter jusqu'à 40 % du coût de la production pour la valeur du titre. Une première mesure, particulièrement « radicale », avait été envisagée : il s'agissait d'interdire tout bonnement les demandes de traduction des brevets lorsqu'ils étaient initialement rédigés en anglais. Fort heureusement, cette disposition, qui aurait finalement promu l'anglais au rang de seule langue officielle, avait été vite abandonnée face au refus catégorique exprimé par les pays latins. C'est pourquoi, en juin 1999, un compromis relativement équilibré, répondant aux différents intérêts en présence, avait été trouvé : il permettait de réduire de moitié le coût de traduction des brevets européens en limitant l'obligation de traduction à la seule « partie signifiante » de la description du brevet, nécessaire à une bonne compréhension de l'invention. Les non-anglophones pouvaient ainsi aisément prendre connaissance des éléments essentiels du document. Alors que cette mesure intermédiaire aurait été à même de constituer une base d'accord satisfaisante, les autorités représentant la France ont changé de position sans mener la moindre concertation préalable avec les professionnels concernés. La Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle, référence française dans ce domaine, a vivement réagi, en s'inquiétant des préjudices créés par un tel revirement. En effet, il semblerait que l'on s'achemine vers le dispositif suivant : les États signataires renonceraient aux exigences de traduction en langue nationale actuellement en vigueur, les déposants devant limiter leur choix à l'une des trois langues officielles sus-citées. De ce fait, si, par exemple, le brevet a été initialement rédigé dans l'une de ces trois langues, aucune autre traduction ne serait autorisée. Adhérer à une telle mesure occasionnerait des conséquences négatives dans les domaines culturels mais aussi économiques. D'un point de vue culturel, cela aboutirait à accentuer la domination de la langue anglaise et à réduire proportionnellement la part prise par les autres langues, dont le français. La majorité des brevets étant déposés en langue anglaise, il est inévitable que celle-ci soit choisie comme référence. Les mises en garde de l'Académie des sciences morales et politiques sur « le danger d'accélérer et de généraliser un mouvement tendant à faire de la langue anglaise la langue unique de la technologie et de l'industrie » n'en sont que plus pertinentes. On se trouverait même confronté à une situation qui serait en contradiction avec l'article 2 de notre Constitution stipulant que « la langue de la République est le français ». Au-delà des atteintes sérieuses causées à la francophonie, ce projet aurait également des conséquences préjudiciables en termes industriels et économiques pour les PME-PMI françaises, qui - rappelons-le -, participent pour une part très large à la croissance et à l'emploi dans notre pays. D'un strict point de vue financier, ce dispositif aboutirait à un transfert des coûts de traduction de l'Office européen vers les PME-PMI soucieuses d'obtenir le texte des brevets en français. Plus largement, comme l'a souligné l'Académie des sciences morales et politiques, on aboutirait à ce que « l'énorme masse des brevets délivrés à des demandeurs américains et japonais produise effet en France sans traduction » et soit donc difficilement intelligible par nos petites entreprises qui constituent environ 80 % de notre tissu industriel. Renoncer à traduire en français les brevets européens reviendrait inéluctablement à favoriser les grands groupes au détriment de sociétés de taille plus modeste, incapables, par exemple de disposer d'un service de traduction. Ces risques ont également été soulevés par le Conseil supérieur de la propriété industrielle, qui a émis un avis défavorable sur ce projet d'accord. Au vu de ces différents éléments et de la réalité des risques encourus, il lui rappelle la nécessité de réviser la position de la France dans ce domaine et de revenir au compromis de juin 1999, acceptable par tous. Il lui demande de bien vouloir lui faire part des intentions du Gouvernement quant à la signature de cet accord intergouvernemental et souhaite qu'il garde présent à l'esprit l'indispensable défense de la francophonie et des PME-PMI.

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